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terminés plus tôt qu’il ne le laisse supposer, qu’on puisse en déduire que sa femme n’a pas été tout à fait pauvre mais lui a apporté une modeste dot, ce sont choses peut-être instructives sur son humeur, mais qui ajoutent peu à ce que nous pouvons deviner par la seule lecture de la Vie. C’est, plus marquée, une touche de son pessimisme plaintif de vieillard malheureux.

Enfin, que nous apprennent ses contemporains ? Dans un des derniers chapitres, Cardan a dressé une longue liste de ceux qui ont fait mention — bonne ou mauvaise — de sa personne et de ses œuvres. Il en a trouvé soixante-quatorze et son énumération semble incomplète ; elle nous suffit pour juger de l’ampleur de sa renommée.

La plupart de ces témoignages se bornent à une phrase, à un rappel de travaux et de découvertes. Mais trois sont d’importance par leur étendue et leur caractère. Ils viennent d’adversaires bien armés qui ont été aux prises avec Cardan sur des points essentiels de ses doctrines ou à propos de l’attribution de ses plus importantes découvertes. Ce sont chronologiquement Tartaglia, Scaliger et Camuzio. De ces polémiques dont on trouvera un résumé dans les notes des chapitres XLV et XLVIII, il est évidemment impossible de dégager une conclusion très nette : il nous manque la déposition d’un témoin impartial qui nous aurait transmis le sentiment des spectateurs. Chaque fois, suivant l’habitude, chacun des deux adversaires s’est proclamé vainqueur. Dans le duel Tartaglia-Cardan, les historiens des mathématiques se sont rangés d’un côté ou de l’autre. Il n’était pas besoin de prendre parti.

L’origine du désaccord n’est pas honorable pour Cardan : il a manqué à sa parole. Mais il se rachète ensuite grâce aux services qu’il rend à la science par sa faute même. Sa dignité, son détachement, l’honnêteté avec laquelle il reconnaît ses dettes, tout contraste avec l’acharnement haineux, les accusations excessives, l’entêtement égoïste du mathématicien brescian.

Scaliger comme Camuzio se sont dressés contre lui pour défendre Aristote et Galien avec l’espoir de faire rejaillir sur leur personne un peu de la gloire de l’adversaire illustre qu’ils provoquaient. L’un regrettait hypocritement plus tard d’avoir par ses critiques impitoyables tué Cardan. Le second affirmait l’avoir réduit au silence. Cardan survécut longtemps à ces coups prétendus mortels et gardait la conviction d’avoir contraint Camuzio à se taire.