Page:Cardan - Ma vie, trad. Dayre, 1936.djvu/229

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parle, ce qui m’offre toute cette magnificence s’indignera et m’enlèvera cette fête. Il y avait à ce moment là des fleurs variées, des quadrupèdes, des oiseaux de toute espèce, mais à toutes ces belles apparences il manquait la couleur, car elles étaient aériennes. Aussi, moi qui n’ai jamais eu l’habitude de mentir ni dans ma jeunesse ni dans ma vieillesse, je restai longtemps avant de répondre. Elle dit alors : « Que regardes-tu donc si attentivement, mon enfant ? » Je ne me souviens pas de ma réponse, mais je crois n’avoir rien répondu.

Le troisième indice fut que, plus tard, je ne pouvais presque jamais, comme je l’ai dit, me réchauffer des genoux jusqu’aux pieds, (162) sauf à l’approche du jour. Le quatrième, que, par la suite, en dormant, j’étais baigné d’une sueur chaude. Le cinquième était un songe très fréquent où je voyais un coq que je craignais d’entendre parler d’une voix humaine, et cela arrivait peu après. C’étaient des paroles pour la plupart menaçantes, et pourtant je ne me souviens pas de ce que j’ai entendu si souvent. Ce coq avait les plumes rouges comme la crête et les barbillons. Je crois l’avoir vu plus de cent fois.

Après ce temps, vers la puberté, ces visions disparues, deux autres prérogatives apparurent, qui sont restées presque continuellement et qui persistent encore aujourd’hui. Pourtant après que j’eus écrit mon livre des Problemata et que je l’eus communiqué à mes amis, l’une d’elles cessa quelque temps. Toutes les fois que je lève les yeux au ciel, je vois la lune et je la vois vraiment placée en face de moi ; j’en ai indiqué la cause dans mon livre. Voici la seconde : Ayant remarqué fortuitement que, si je me trouvais par hasard au milieu d’une rixe, il n’y avait ni sang versé ni blessures, je me suis mêlé volontairement aux bagarres et aux (163) émeutes, et jamais personne n’a reçu de blessure. Plus tard, quand je me joignais à des chasseurs, aucun animal n’était blessé ni par les armes ni par les chiens. Cela, j’en ai fait l’observation étant en compagnie, un certain nombre de fois bien qu’assez rarement, et je n’ai jamais été frustré de ce privilège. C’est au point qu’une fois, pendant que j’accompagnais le prince d’Iston à Vigevano, un lièvre ayant été pris, quand on l’enleva de la gueule des chiens on le trouva sans blessure, au grand étonnement de tous. Ce n’est que dans les saignées volontaires et à l’égard de ceux qui subissent un châtiment public, que je suis privé de ce que je peux appeler un privilège. Une fois, sur le parvis du dôme de Milan, un homme avait été jeté à terre par plusieurs adversaires et plusieurs fois blessé. Au