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ce qui était bien éloigné de mes goûts.

Avant de quitter ce propos, je veux indiquer d’un mot pourquoi je reçus des offres si riches d’un souverain aussi pauvre que le roi d’Écosse qui, à ce qu’on rapporte, n’a pas plus de quarante mille écus d’or de revenu annuel. Il a, (142) dit-on, sous sa dépendance quatorze mille gentilhommes (je ne crois pourtant pas qu’ils soient si nombreux), liés par une loi ils doivent rester sous les armes dans les camps pendant trois mois pour le service du roi ; certains assurent qu’ils font ce service comme une faveur. Si quelqu’un d’eux meurt entre temps, le roi (ou d’après la coutume la personne à qui le roi délègue cette charge) est le tuteur de ses enfants jusqu’au moment où l’aîné atteint ou achève sa vingt-et-unième année. Pendant ce temps, une fois prélevées les dépenses de nourriture et de vêtements, tous les revenus appartiennent au tuteur sans qu’il ait de compte à rendre, parce qu’il remplace le roi. Qui plus est, le tuteur peut marier ses pupilles, garçons ou filles, à qui il veut, pourvu que le conjoint soit également noble ; et la dot ne dépend pas de la situation du pupille mais de la volonté du tuteur.

Je reviens à ce qui me concerne. Je fus nommé trois fois professeur à Pavie, ou quatre fois par le Sénat de Milan[1] ; trois fois par celui de Bologne[2] bien que la dernière nomination ait été nulle. Quarante gentilshommes attendaient à Paris mon retour d’Écosse pour me demander le secours de mon art, et l’un d’eux offrait pour son compte mille écus. Mais il m’était difficile de passer par là, et je n’osai pas le faire. Il existe sur ce point une lettre du président de Paris, Aimar Ranconet, homme, (143) comme je l’ai dit ailleurs, très savant en grec et en latin. Au cours de mon passage à travers la France et l’Allemagne, il en fut pour moi comme autrefois pour Platon à Olympie. J’ai déjà cité aussi le témoignage donné sur mon compte par le Collège de Padoue, que je rapportai au Préfet de la ville[3]. Le cas ne fut pas différent à Venise, lorsque la chose ne pouvait être faite que si personne ne s’y opposait : il y avait plus de soixante voix et je les obtins toutes[4]. J’eus un pareil bonheur à Bologne : le Sénat comptait 29 voix, je fus élu avec 28 et je n’aurai pu l’être avec moins de 25.

Mon nom n’a pas été connu seulement de tous les peuples, mais aussi des princes, des rois, des empereurs, de tout l’univers. Quoi qu’on puisse dire que c’est une chose sotte et vaine, on ne peut

  1. Les nominations à l’université de Pavie étaient faites par le Sénat de Milan qui appela Cardan à enseigner une première fois à Milan (1543). quand, du fait des guerres, l’université ne pouvait fonctionner à Pavie (Chap. IV et XXXVII) ; cf. De libris propriis (I, 69, 106) ; XII genitur. exempla (V, 523). Les autres nominations à Pavie eurent leur effet : 1. pour l’année scolaire 1544-1545 (Chap. IV et XXXVII) ; cf. Synes. somn. (V, 717 a), De libris propriis (I, 106) ; 2. de 1546 à 1551 (Chap. IV et XVIII) ; 3. enfin de 1559 à 1502 (Chap. IV) ; cf. De utilit. ex advers. cap., II, 9 (II, 50).
  2. La première nomination à Bologne est du 20 octobre 1562, pour un an seulement (Archivio di Stato di Bologna, Partiti, vol. 22). Le 3 avril 1563, Cardan est prorogé dans ses fonctions pour huit ans (Ibid.) et, avant l’expiration de ce contrat, le 28 juin 1570, il était maintenu dans ses fonctions pour deux autres années (Ibid. vol. 23).
  3. Il n’y a pas trace de ce témoignage dans la Vie telle qu’elle nous est parvenue.
  4. On peut supposer qu’il s’agit de son examen de maître-ès-arts qu’il dit avoir passé à Venise (Chap. IV).