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Ainsi, certains événements, il les a racontés plusieurs fois ; et parfois l’écart entre les différentes versions a une telle netteté que le défendre serait impossible s’il n’avait pris soin de nous avertir de ses procédés. « Ce que j’ai déjà raconté ailleurs en détail, dit-il quelque part[1], je le passerai rapidement ; quand mes précédentes narrations auront été brèves, je m’étendrai longuement. » Et, de fait, il est à peu près toujours facile de concilier ses divers récits. Quand ils sont inconciliables, c’est généralement par les interprétations qu’il en propose — interprétations toujours arbitraires, très souvent surnaturelles, choquantes pour des esprits positifs.

Par ailleurs, il n’est pas inutile de s’efforcer de comprendre quelles conditions psychologiques variables ont pu colorer diversement, suivant les temps, le souvenir d’un même fait. Toute son attitude mentale est faite du jeu excessif d’un rythme reconnaissable même chez l’être le plus normal et le mieux équilibré : sans cesse il passe de l’exaltation à la dépression.

Or, nous l’avons déjà remarqué, deux au moins des textes importants cités plus haut ont été composés dans cette phase dépressive où l’esprit se laisse aller à n’admettre que le malheur, la maladie, la persécution, tandis que d’autres, au contraire, ont été écrits dans l’entrain du travail aisé et aimé ou avec une volonté d’optimisme contagieux et traduisent bien le niveau passagèrement plus élevé de son tonus psychique.

V

Malgré tout, on peut observer à l’égard de tout ce qui vient de Cardan une attitude de réserve prudente. Plus sûre et plus concluante sera la comparaison des sources qui offrent soit l’impartialité passive de l’indifférence officielle et administrative, soit le contre-témoignage de ceux qui ont été mêlés à sa vie, spectateurs ou adversaires.

Les documents d’archives, dont un certain nombre ont été publiés depuis quelques années, peuvent être groupés d’après les résidences

  1. De util. III, 2 (II, 112).