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Il n’est pas hors de nos moyens de vérifier bon nombre de ses affirmations. Les sources de sa biographie ne manquent pas. Il a passé sa vie à se confesser publiquement. Pour ce qui nous occupe ici son œuvre comporte trois groupes importants :

1o Les livres de publicité, si l’on peut dire, par exemple le De libris propriis libellus[1], où il fait connaître ses travaux, publiés ou en projet, en indiquant rapidement pour chacun d’eux les circonstances de la composition, le sujet et la manière dont il l’a entendu et traité. Qui s’étonnerait qu’en de telles conditions l’esprit de réclame, malaisément conciliable avec la modestie, l’ait entraîné à des exagérations favorables à sa renommée ?

2o Un certain nombre de traités à tendances moralisantes, où sa propre existence lui fournit des exemples vécus : De consolatione, De utilitate ex adversis capienda… Presque toujours il les écrivit dans des circonstances critiques, à des moments d’abattement ou de désespoir, pour se donner à lui-même le réconfort de la philosophie[2]. L’entrain qui anime le premier groupe cède ici la place à la tristesse, au découragement, à la misanthropie ; une vie toute de malheurs semble avoir été la sienne.

3o Les thèmes de nativités qu’il apporte dans Liber XII Geniturarum et Liber de Exemplis C. Geniturarum à l’appui de ses doctrines astrologiques et où il rapproche les événements des prédictions faites d’après les astres. Il y fait figurer son thème astral, ceux de son père, de son fils, de ses amis et les accompagne d’un commentaire riche de détails précis. Là son souci est, non d’arranger les faits, mais de faire concorder avec eux ses calculs et ses déductions.

Mais il y a plus : pas un seul de ses livres qui ne nous fournisse quelque indication sur sa vie, sur sa personne, sur son esprit. La science a été profondément mêlée à son existence ; c’est son souci perpétuel. Il vit pour observer et pour savoir ; il n’est rien du plus intime de son être qu’il n’offre au public comme sujet d’étude. C’est alors, n’y ayant plus dessein d’apologie ni parade de souffrance, que sa parole mérite le mieux notre confiance.

  1. Il en existe trois rédactions successives de plus en plus développées : 1543, 1554, 1562.
  2. À propos du De consolatione : quasi dolorem leniturus (De lib. prop. [I, 66, 203]) ; pour De util. ex. adv. cap. : tanquam leuamen quoddam doloris scribam. (Util. III, 2 [II, 112]).