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« Le ciel m’a fait habile aux travaux manuels, doté d’un esprit philosophique et apte aux sciences ; fin, honnête, de bonnes mœurs, voluptueux, gai, pieux, fidèle, aimant la sagesse, méditatif, fertile en idées, d’un esprit remarquable, enclin à apprendre, prompt à rendre service, jaloux d’égaler les meilleurs, découvreur de nouveautés et progressant sans le secours d’un maître ; de caractère modéré, studieux de médecine, curieux de merveilles, inventeur, captieux, rusé, mordant, instruit des arcanes, industrieux, laborieux, diligent, ingénieux, vivant au jour le jour, impertinent, contempteur de la religion, rancunier, envieux, triste, traître, magicien, enchanteur, exposé aux malheurs fréquents, haïssant les miens, adonné à de honteux plaisirs, solitaire, désagréable, rude, prédisant naturellement, envieux, lascif, obscène, médisant, humble, se plaisant à la conversation des vieillards, changeant, irrésolu, impudique et voué aux tromperies des femmes, chicanier, et, à cause des oppositions de ma nature et de mon caractère, inconnu de ceux même que je fréquente assidûment[1]. »

IV

C’est parce qu’il continue à se sentir inconnu et incompréhensible qu’il emploie les deux dernières années de sa vie à composer ses mémoires. Il ne veut, affirme-t-il, que raconter sa vie pour le seul amour de la vérité ; une sincérité totale, une humilité vraie donneraient un démenti à ses calomniateurs qui avaient douté de la bonté de son cœur et de la pureté de sa conscience. En vérité, si grande que soit son ardeur dans l’aveu de ses erreurs et de ses vices, son but n’est pas là, et l’auditoire qu’il veut atteindre est bien plus étroitement déterminé. On a accusé sa religion ; le tableau de sa vie va être tout éclairé de sa croyance profonde, dévote, superstitieuse. Il n’a jamais oublié ou négligé les enseignements de l’église : elle n’a pas eu de fils plus docile ni plus confiant, et, médecin, il a gardé plus de confiance dans les prières que dans les remèdes de son art.

  1. Liber de exemplis C. Geniturarum (V, 523).