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imprimée confirmait au besoin. Des pages d’orthodoxie douteuse pouvaient être relevées dans tous ses livres. Dans le De Subtilitate, une discussion sur la valeur comparée des croyances n’affirmait pas très clairement la supériorité du christianisme ; le De rerum Varietate proposait des explications trop rationnelles de la sorcellerie et critiquait sans ménagement les procédés des inquisiteurs dominicains ; le Commentaire de Ptolémée contenait un horoscope du Christ qu’il paraissait soumettre ainsi à l’influence astrale, comme tout mortel.

Le danger était grand. Quand Cardan pouvait croire sa vieillesse assurée d’une fin paisible, il fut arrêté, emprisonné et, après de longs interrogatoires et de diligentes enquêtes, condamné à ne plus enseigner et à ne rien publier désormais. Il plia sous l’orage ; puis, le temps ayant passé, il essaya de reprendre sa place. Ni son infatigable insistance, ni le bienveillant appui des cardinaux ses protecteurs, Morone, Alciati, n’eurent d’effet, non plus que l’accès au trône pontifical d’un pape d’esprit plus large. Il se vit contraint de quitter Bologne pour se fixer à Rome où, pensionné par le pape, agréé par le Collège des Médecins, il termina sa vie le 21 septembre 1576.

III

En rapportant cette mort dans son histoire universelle[1], de Thou l’accompagnait des commentaires suivants : « Cette année, mourut à Rome un homme d’un grand nom, mathématicien célèbre ou médecin fameux tel qu’on voudra l’appeler, en un mot Jérôme Cardan, natif de Milan. Jamais caractère ne fut plus sujet à mille contradictions, ni vie plus remplie d’inégalités ; soit simplicité, soit grande liberté d’esprit, il a écrit de lui-même des choses qu’on n’attendrait jamais d’un homme de lettres et il en apprend plus lui seul que le plus habile historien ne pourrait en faire comprendre. Je le rencontrai à Rome quelques années avant sa mort, habillé d’une façon toute

  1. Histoire universelle… depuis 1543 jusqu’en 1607 traduite sur l’édition latine de Londres. Londres 1737, t. VII, pp. 361-2.