Page:Cardan - Ma vie, trad. Dayre, 1936.djvu/127

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de succomber à tant de complots ; quant à eux, ils ne furent pas contraints de voir enseigner celui qu’ils haïssaient.

Enfin, vers la fin de mon engagement, on fit courir le bruit, surtout auprès du cardinal Morone, que mon auditoire avait été restreint, ce qui n’était pas absolument vrai ; depuis le début des cours il avait été nombreux jusqu’au moment du carême. Mais (79) en butte à tant de jaloux et à tant d’embûches, il fallait pourtant que la vertu cédât à la fortune. Les cardinaux, après m’avoir conseillé, sous le prétexte de mon honneur, d’abandonner de plein gré ma charge, agirent pour que ce fût l’autre qui le fît. Et l’affaire se termina moins par l’heureux succès que par la complète soumission de ceux qui y avaient mis tant d’ardeur[1].

Quant aux calomnies, aux fausses diffamations, je n’en parlerai pas ; elles furent si nombreuses, si persistantes, si stupides et si absurdes qu’il est clair qu’elles sont un amas de ragots, non des accusations précises. Et tout le monde sait que leurs auteurs en souffrirent plus dans leur propre conscience qu’ils ne me causèrent de tort. Bien mieux, ils me laissèrent ainsi plus de temps pour composer mes livres, étendirent ma gloire, prolongèrent ma vie en m’enlevant l’occasion de travaux excessifs, et me procurèrent le plaisir de la connaissance de beaucoup d’arcanes. Aussi, j’ai coutume de dire et j’ai toujours à la bouche ces mots : je ne les hais point ; ils ne méritent même pas de châtiment pour m’avoir nui, mais pour avoir voulu me nuire. Ce qu’ils ont tenté de plus cruel avant ma venue à Bologne, je l’exposerai plus bas (au chapitre XXXIII).


  1. La suite des idées est loin d’être claire dans tout ce morceau. Il est difficile d’admettre que Cardan ait voulu dire que les cardinaux ses protecteurs et surtout Morone aient fait pression sur lui pour l’amener à abandonner ses fonctions. Nous savons en effet : 1o que Morone intervint par une lettre du 28 décembre 1569 pour que le contrat de son protégé fût renouvelé ; et 2o que dès avant l’expiration de son deuxième engagement, Cardan avait été maintenu en charge pour deux ans (Costa, loc. cit.).