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Mais malgré tant de défauts, malgré toute son insuffisance littéraire, cette Vie reste une lecture passionnante. Le lecteur hausse parfois les épaules, fait avec humeur le mouvement de refermer le livre, mais il ne saurait se détacher de ces pages maladroites où peu à peu s’anime un homme qui, sans dissimulation, vit sous nos yeux une vie moins intéressante par les accidents et les aventures que par les tumultes d’une âme inquiète, d’un esprit passionné. Et autour de lui, mêlé comme il le fut à des milieux divers dans des temps si agités, si profondément troublés, où la bataille des idées n’était pas moins ardente que les luttes de la politique, si riches de tous les mouvements humains, c’est une image de l’époque qui dessine quelques aspects de la société, la vie universitaire par exemple, la profession médicale et aussi la lutte pour les idées nouvelles, leurs répercussions, leurs réactions.

II

Né le 24 septembre 1501 d’une union peut-être irrégulière entre un homme déjà âgé et une veuve beaucoup plus jeune, Cardan eut longtemps à souffrir de l’incertitude de sa condition et de la tyrannie, diverse mais également pénible, de ses parents. Son père, prodigieux érudit à l’esprit trouble et confus, ne s’occupe de lui que pour le réduire à une sorte de servitude et semer dans son cerveau des superstitions à jamais indéracinables ; sa mère, capable d’admirables sacrifices, ne savait lui épargner les sautes d’une humeur d’abord colère, plus tard dolente.

Une enfance malheureuse, du fait de maladies continuelles et des mauvais traitements subis, n’arrêta pas le développement de son esprit avide de connaître et, sans autres études que les entretiens de son père, il donna de bonne heure des preuves de son intelligence qui frappèrent les familiers de la maison.

Avant même d’avoir obtenu par supplications et presque par menaces de partir pour l’université de Pavie, il était déjà en certaines matières — les mathématiques et la dialectique — capable d’enseigner à ses camarades. À Pavie, puis à Padoue où les temps troublés le con-