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retirai pas et ne donnai pas ma démission. Mais quand les académiciens furent présentés au roi en grand apparat, je me dérobai en disant qu’une telle pompe ne me convenait pas. Pour la vertu, je n’ai rien de plus à dire qu’Horace : « La vertu consiste à fuir le vice. »

Je n’ai jamais rompu une amitié ; et quand une rupture a eu lieu, je n’ai jamais révélé le secret de ce que j’avais connu en tant qu’ami, au cours de mon amitié ; je n’en ai jamais fait des reproches et, qui plus est, je ne me suis jamais attribué rien qui appartînt à autrui. Sur cette matière Aristote ne fut pas irréprochable, Galien s’abaissa à de honteuses disputes ; ainsi par là je ne le cède qu’au seul Platon. J’en ai le témoignage de Vésale, homme modéré, qui, tracassé par Curzio en de mesquines querelles, ne voulut jamais parler de lui. Pour le seul amour des bonnes lettres, moi que Curzio avait accusé de vol parce que j’avais conservé le gage fourni comme caution d’un emprunt qu’il avait contracté sans témoin, je ne refusai pas de rendre hommage à sa science. Il s’ensuivit que, lorsqu’il partit pour Pise et que le Sénat lui demanda (68) si j’étais apte à le remplacer, il répondit que personne ne le pouvait mieux. Comme on savait que nous n’étions pas réconciliés, on m’attribua la charge d’enseigner.

Je tiens sans le moindre doute pour une vertu de n’avoir jamais menti depuis ma jeunesse, d’avoir patiemment supporté la pauvreté, les calomnies, tant de malheurs, et de n’avoir jamais mérité même un reproche d’ingratitude. Mais en voilà trop sur ce sujet.