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la lente épreuve

 
Tel, le cœur débordant de doute et de souffrance,
Lorsque je m’en revins au doux pays de France,
Ô mon poète cher, tu m’apparus un jour !
Et je t’aimai, vois-tu, d’une amour infinie,
Car je voulais tes chants d’allégresse et de vie
Et la voix du poète expire sans l’amour !
Souviens-toi, je retins fidèle,
Avec mes gestes de jadis,
Dans l’ombre bruissante et fraîche des taillis,
Par un nouvel avril cueillir des fleurs nouvelles…
Souviens-toi, tu passais rêveur,
Mon doigt frôlait tes lèvres closes
Et tu laissais glisser le secret de ton cœur
Le long des étangs morts, au crépuscule rose…
Souviens-toi. Paris. Il neigeait…
Je venais de très loin, la flamme
De ton foyer, près de s’éteindre, voltigeait
Dans le silence obscur du logis, comme une âme !
Souviens-toi, nous nous parlions bas,
Épouvantés du vol des heures,
Fiers et si douloureux de ne nous prendre pas !
Avec ces longs baisers qu’on donne, quand on pleure !

Et plus cruelle encor que mon secret désir,
J’ai connu la douleur de le laisser souffrir,
Toi dont l’âme était mienne, et dont j’aimais les lèvres.
J’ai plongé dans tes yeux mes yeux brillants de fièvre,