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meurait à la Belle-Image, et figurait dans le cercle des plus minces bourgeois de cette ville.

Aussitôt que j’eus connaissance du jugement du cardinal, je me transportai chez la reine. Elle entendit ma voix dans la pièce qui précédait son cabinet. Elle m’appela ; je la trouvai fort émue. Elle me dit, avec une voix entrecoupée : « Faites-moi votre compliment de condoléance ; l’intrigant qui a voulu me perdre, ou se procurer de l’argent en abusant de mon nom et prenant ma signature, vient d’être pleinement acquitté. Mais, ajouta-t-elle avec force, comme Française recevez aussi mon compliment de condoléance. Un peuple est bien malheureux d’avoir pour tribunal suprême un ramas de gens qui ne consultent que leurs passions, et dont les uns sont susceptibles de corruption, et les autres d’une audace qu’ils ont toujours manifestée contre l’autorité et qu’ils viennent de faire éclater contre ceux qui en sont revêtus[1]. » À ce moment le roi entra, je voulus

  1. On lit ce qui suit dans les Mémoires de l’abbé Georgel :

    « M. d’Eprémenil, conseiller du parlement, dit l’abbé Georgel dans ses Mémoires, mais qui n’était pas juge dans l’affaire, trouva des moyens secrets pour nous instruire de particularités très-intéressantes dont la connaissance nous a été de la plus grande utilité. Je dois ici cet hommage à son zèle et à son obligeance. »

    Il ajoute dans un autre endroit, en parlant du moment où l’arrêt fut rendu : « Les séances furent longues et multipliées ; il fallut y lire toute la procédure ; plus de cinquante juges y sié-