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L’impression qui se fit sur mes traits, lorsque j’entendis prononcer le nom de cet homme, fut très-vive ; la reine s’en aperçut et me fit des questions. Je la suppliai de le voir, je l’assurai que cela était instant pour sa tranquillité, qu’une intrigue se tramait à son insu ; qu’elle était grave, puisque l’on montrait aux gens qui prêtaient de l’argent à Bœhmer des engagemens signés d’elle. Sa surprise, son dépit furent extrêmes. Elle m’ordonna de rester à Trianon, fit partir un courrier pour Paris, le faisant demander sous un prétexte que j’ai oublié. Il vint le lendemain matin, jour même de la représentation de la comédie, et ce fut le dernier des amusemens que la reine se permettait dans cette retraite.

Le reine le fit entrer dans son cabinet, lui demanda par quelle fatalité elle avait encore à entendre parler de sa folle prétention de lui vendre un objet qu’elle refusait constamment depuis plusieurs années. Il répondit qu’il y était bien forcé, ne pouvant plus calmer ses créanciers. « Que me font vos créanciers ? » lui dit Sa Majesté. Alors Bœhmer lui avoua successivement tout ce qui, selon ses illusions, s’était passé entre la reine et lui par l’intervention du cardinal. À chaque chose qu’elle entendait, son étonnement égalait son courroux et sa surprise. Elle parlait en vain, l’importun et dangereux joaillier ne cessait de répéter : « Madame, il n’est plus temps de feindre, daignez avouer que vous avez mon collier, et faites-moi