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je me retirai dans mon appartement. Un instant après un valet de pied vint m’apporter de sa part un billet conçu en ces termes : « Je n’ai cessé de vous distinguer et de vous donner, à vous et aux vôtres, des preuves de mon attachement ; je veux vous dire par écrit que je crois à votre honneur et à votre fidélité, autant qu’à vos autres bonnes qualités, et que je compte toujours sur le zèle et l’intelligence que vous employez à me servir[1]. »

  1. Je venais de recevoir cette lettre de la reine, lorsque M. de la Chapelle, commissaire-général de la maison du roi et chef des bureaux de M. de Laporte, ministre de la liste civile, vint me voir. Le palais ayant déjà été forcé le 20 juin par les brigands, il me proposa de lui confier cet écrit pour le mettre en un lieu plus sûr que ne l’était l’appartement de la malheureuse reine. Rentré dans ses bureaux, il plaça la lettre qu’elle avait daigné m’écrire derrière un grand tableau qui était dans son cabinet ; mais au 10 août, M. de la Chapelle fut jeté dans les prisons de l’Abbaye, et le comité de salut public s’établit dans ses bureaux, d’où il dicta tous les arrêts de mort. C’est là qu’un infâme valet de M. de Laporte vint déclarer qu’il y avait, dans l’appartement de ce ministre, une feuille de parquet sous laquelle se trouvaient beaucoup de papiers. Ils en furent retirés, et M. de Laporte fut envoyé le premier de tous à l’échafaud, où il périt pour avoir trahi l’État en servant son maître et son souverain. M. de la Chapelle fut sauvé, comme par miracle, des massacres du 2 septembre. Le comité de salut public ayant quitté ses bureaux pour s’installer aux Tuileries dans l’appartement du roi, M. de la Chapelle eut la permission de rentrer dans ses cabinets pour y prendre quelques effets qui lui appartenaient. Ayant retourné le tableau derrière lequel il avait caché la lettre de la reine, il la retrouva à la place où il l’avait glissée, et, ravi de