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LES BELLINI.

pour le plaisir d’une perspective et l’imprévu d’une échappée ; une architecture composite, faite de loggias Renaissance et de frontons antiques, avec des bas-reliefs dans tous les coins et des statues dans toutes les niches.

Car Jacopo ne se contente pas de copier minutieusement tout ce qu’il voit, jusqu’à une fleur d’iris, jusqu’à un dessin d’étoile orientale (Louvre, nos 57, 95) ; il dessine avec la même sûreté de main tout ce qu’il imagine, Pégase et les dragons, Bacchus et les satyres. Il s’imprègne de l’atmosphère d’humanisme qui l’entoure, il dessine des monuments et des statues antiques. Mais, en vrai Vénitien, il perfectionne avant tout sa technique. Il exagère le recul de ses perspectives, dans tout le feu de la découverte ; il s’exerce avidement à saisir les mouvements violents, la lutte, la course ; il s’essaie même aux études de nu.

Pour l’Italie de 1440, tout cela n’est pas nouveau. Pour Venise, c’est une révélation. Ni Gentile da Fabriano, ni Pisanello lui-même n’avaient élargi à ce point le cadre de leurs compositions.

Certains critiques, éblouis par tant d’innovations, vont jusqu’à faire de Jacopo un réaliste, presque un sceptique. C’est méconnaître l’esprit traditionaliste du maître vénitien. Plus de la moitié de ses dessins se rapporte à des sujets chrétiens. Il est bien vrai qu’il les traite à sa manière et que les scènes de la vie du Christ se déroulent souvent au milieu d’épisodes qui semblent n’avoir aucun rapport avec elles, comme dans ce Portement de croix (Louvre, n° 15 — p. 17) où des ouvriers et des sculpteurs encombrent l’avant-