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LES BELLINI.

il déploiera, dans ces compositions, tout le charme, toute la grâce, toute la richesse technique dont il dispose.

C’est de ce conflit entre deux esprits, entre deux tendances opposées que jaillirent les créations les plus célèbres du maître — ses Madones trônant, entourées de saints — et ses œuvres les plus précieuses — ses allégories chrétiennes.

Le retable de Pesaro peut être considéré comme la première esquisse des grandes pale de Giovanni. Le polyptyque vivarinesque fait place à une composition d’ensemble. La Vierge, tenant sur ses genoux l’Enfant Jésus, est assise sur un trône élevé, au fond d’une abside du style renaissance particulier à Venise (dit des Lombardi), sous une demi-coupole de mosaïques. Entre les pilastres de l’avant-plan, figurés par le cadre, et les pilastres de l’arrière-plan, qui soutiennent la coupole, sont groupés une certain nombre de saints. Sur les marches du trône, sont assis des anges musiciens.

Ce dernier trait n’a pas été mis suffisamment en relief. C’est par leur charme musical que les retables de San Giobbe (p. 113), des Frari et de San Pietro Martire (Murano)[1] acquièrent ce recueillement poétique que l’on confond volontiers avec l’atmosphère mystique. Le type de la Vierge s’est désormais fixé sur un modèle. C’est une jeune mère vénitienne, comme on en rencontre encore aujourd’hui, une jeune mère de seize à vingt ans, jouissant du

  1. Sans mentionner la célèbre pala de Saint-Jean-et-Paul, la première en date, détruite par un incendie en 1867.