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Bombay, qui en sa qualité de capitaine devait maintenir la discipline, au moins dans sa compagnie, était jaloux d’Issa. Pour se faire bien venir de ses hommes, il leur permettait de faire tout ce qu’ils voulaient ; et ses gens ayant fini par l’insulter, il n’osait plus leur communiquer mes ordres. Si, par exemple, ne voyant pas arriver le bois que j’avais dit d’aller chercher, je demandais pourquoi on ne l’apportait pas : « On n’a pas voulu y aller », répondait le capitaine. Je m’enquérais de celui qui avait refusé d’obéir : « Je l’ai commandé à tous, reprenait Bombay, et tous ont répondu non. » Dès que l’ordre n’était pas nominatif, chacun pensait que le devoir de tout le monde n’était celui de personne ; et finalement j’étais obligé de donner l’ordre moi-même.

Magommba, qui lors du passage de Burton, en 1857, gouvernait déjà depuis longtemps le Kanyényé, avait, au dire de ses sujets, plus de trois cents ans, et en était à sa quatrième dentition. Toujours d’après les mêmes dires, il avait perdu ses troisièmes dents, sept années avant notre visite ; depuis cette époque, ne pouvant plus manger de viande, seule nourriture qui fût digne d’un homme de son rang, il ne vivait que de bière. Pour moi, il n’est pas douteux que Magommba n’eût alors beaucoup plus d’un siècle : ses petits-fils étaient des vieillards à cheveux blancs et couverts de rides.

Un autre exemple de l’extraordinaire longévité des races africaines est rapporté par Livingstone. Le grand voyageur trouva chez Cazemmbé, en 1871, un homme dont les fils avaient plus de trente ans en 1796, lors de la visite du Dr Lacerda. Cet homme, qui s’appelait Pemmbéré, vivait encore en 1874, à ce que disent les Arabes ; il devait avoir au moins cent trente ans.

Nul obstacle ne fut mis à nos relations avec les indigènes, et pendant toute la journée le camp fut rempli d’une foule hurlante et gesticulante. Bande de voleurs, mais bande joyeuse, où s’échangeaient les plaisanteries et les rires à la vue de chaque objet nouveau. Les voix de ces gens-là, toujours désagréables, toujours discordantes, qui même dans la conversation ordinaire ressemblent à des grognements entrecoupés de clappements, et qui alors étaient surexcitées, auraient pu nous faire croire qu’une centaine de chiens sauvages se disputaient leur proie.

Le grand chancelier, ou ministre des finances, ou chef de la douane, l’agent quelconque de Magommba chargé de percevoir