Page:Cameron - A travers l'Afrique, 1881.pdf/84

Cette page a été validée par deux contributeurs.

bœufs, six chèvres et du beurre fondu pour une très faible somme de fil de laiton et de verroterie.

Une route d’une heure et demie nous conduisit ensuite à Khounyo, qui passe pour avoir des eaux saumâtres fatales aux bêtes qui s’y abreuvent. Mais ayant trouvé bonne cette eau mal famée — celle qui emplissait les coussins était réservée pour le Marennga Mkali, — nous laissâmes nos baudets boire à leur soif, pensant que ce qui était bon pour l’homme ne saurait être mauvais pour l’âne, et le résultat nous donna raison[1].

Le 20 juin, nous nous dirigions vers la plaine ardente. La marche se fit aisément dans une plaine horizontale et sableuse, où des monticules de granit s’élevaient sur différents points. Bien que, dans la première partie de la route, la végétation ne fût pas abondante, — seulement une herbe menue, petite et rare, entremêlée de broussailles, — elle semblait suffire à l’entretien de grands troupeaux de zèbres et d’antilopes.

La halte eut lieu, ce jour-là, à neuf heures du soir, dans un bouquet d’acacias rabougris : il y avait douze heures que nous étions en route. Au coucher du soleil, nous avions passé devant une caravane descendante, qui s’établissait pour la nuit ; nos hommes, déjà très fatigués, auraient voulu bivouaquer avec cette caravane ; mais sachant que l’étape du lendemain était la plus rude du trajet, nous voulions la raccourcir le plus possible, et nous continuâmes à cheminer.

Le tableau que présenta la couchée fut saisissant. On ne déplia pas les tentes, on ne fit pas d’abris, tout le monde dormit à découvert. Au dessus de nous, le ciel étendait son voile de velours noir, émaillé d’innombrables étoiles d’or, tandis que la fumée du bivouac suspendait à la cime des arbres ses traînes, pareilles à de l’argent damasquiné, et que de sombres figures, allant et venant parmi les feux, composaient un premier plan d’un aspect fantastique.

  1. Cette immunité peut provenir de l’époque à laquelle l’eau a été bue, époque moins éloignée de la saison pluvieuse. Stanley, qui a passé à Khounyo le 22 mai, dit positivement : « Les Arabes et les indigènes boivent sans crainte ce liquide nitreux et n’en souffrent pas, mais le redoutent pour leurs ânes, qu’ils ont grand soin d’en éloigner. Ne sachant pas cela, ignorant même où commençait exactement la Plaine de l’eau amère, je laissai conduire mes bêtes à l’abreuvoir ; le résultat fut désastreux : celles qu’avaient épargnées l’affreux marais de la Makata furent tuées par les citernes de Khounyo. (Comment j’ai retrouvé Liningstone, p. 236.) (Note du traducteur.)