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cristalline, ruisselant en filets dans un large canal sableux, réjouirent nos regards.

Il faut avoir traversé un pays stérile et brûlant tel que celui d’où nous sortions, pour comprendre à quel point nos yeux furent rafraîchis, nos membres endoloris furent reposés, pour se figurer la joie et le bien-être que nous ressentîmes quand ce paysage éclata devant nous.

Je courus au ruisseau et j’envoyai à boire à ceux qui étaient restés en arrière. Malgré cette précaution, un de nos porteurs, ainsi qu’un de nos ânes, mourut d’épuisement avant d’avoir vu Mpouapoua.

Remontant la rivière, où l’eau devenait plus abondante et coulait entre deux rangs de grands arbres, nous nous établîmes sous la coupole d’un énorme acacia, dont la moitié abrita largement nos trois tentes.

À peine étions-nous installés, que nous eûmes la visite d’un Arabe qui, n’ayant pas fait fortune dans l’intérieur, retournait à la côte en compagnie d’une caravane appartenant à un riche traitant de l’Ounyanyemmbé ; cette caravane était conduite par un esclave.

Notre visiteur paraissait à moitié fou ; c’était bien, dans tous les cas, l’homme le plus impudent que j’eusse jamais vu ; sans hésitation aucune il m’ôta la pipe de la bouche, et après en avoir tiré une ou deux bouffées, la passa noblement au cercle d’indigènes crasseux, qui nous regardaient d’un air ébahi, comme seuls des nègres peuvent le faire.

Au bout de quelque temps l’Arabe se retira. Bientôt après, un vacarme effroyable retentit dans le camp des Vouanyamouési qui nous accompagnaient. J’allai voir quelle en était la cause, et trouvai notre visiteur qui, avec des esclaves de sa caravane, entreprenait de chasser les Vouanyamouési de leur bivouac, sous prétexte que des païens n’avaient pas le droit de posséder n’importe quelle valeur, et que le reste de la cargaison, qui avait échappé aux griffes du potentat de Réhenneko, devait appartenir à un vrai croyant.

J’arrêtai ce lunatique dans l’application de ses principes religieux, en le renvoyant à son chef ; et la paix rétablie, les Vouanyamouési reprirent leurs travaux si brusquement interrompus.

Afin de réparer nos forces pour la traversée du Marennga Mkali, autre lande embrasée de trente milles de large, nous pas-