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Mais la gloire de la Forteresse du Lion[1] est maintenant détruite et nous passâmes, bannières déployées, sans répondre aux réclamations du chef actuel, une fille de l’ancien forban, qui a bien la volonté, mais non le pouvoir d’être aussi nuisible que son père.

Ayant franchi le Mouéré, simple torrent, nous gagnâmes le Lougérenngéri, sur lequel nous trouvâmes un pont formé d’arbres tombés et dont nous nous servîmes. La rivière, en cet endroit, avait seulement soixante pieds de large, mais de quatre à six pieds de profondeur et des berges de quatorze pieds au-dessus de la surface de l’eau.

Nos gens, qui auraient voulu rester du côté de la ville, ne se prêtèrent pas volontiers au passage ; et plus de deux heures s’écoulèrent avant que le dernier paquet et le dernier âne eussent gagné l’autre bord. En somme, la traversée eut lieu et se fit sans autre accident qu’une alerte assez vive : un des porteurs ne voulant pas se fier au pont glissant dont se servaient les autres, essaya de passer à gué et fut emporté par le courant ; mais bien qu’il parut y avoir peu de chance de le sauver, on le retira, et le seul résultat fâcheux du plongeon fut le mouillage du ballot que portait le plongeur.

Sans y réfléchir, Hamis s’était établi au bord du Mouéré ; par suite de cette imprudence, il eut à payer dix-sept dotis à la fille de Kisabenngo, tribut dont nous exempta notre passage du Lougérenngéri.

Devant nous, était la plaine de la Makata, désert fangeux qui nous obligeait à nous procurer des vivres pour tout le temps de la traversée. Ce ravitaillement nous fit rester au bord de la rivière, et nous prit toute la journée suivante. Il s’exécuta sans peine ; les indigènes accoururent en foule pour nous vendre du grain, des courges, des œufs, du miel, des haricots, des citrouilles.

Hamis vint nous voir dans l’après-midi, qui fut excessivement pluvieuse. Pour distraire notre visiteur et croyant l’étonner, Dillon fit des tours de cartes ; mais à notre grande surprise, il se trouva qu’Hamis était plus fort que lui.

Ma tente, sur laquelle tomba une branche d’arbre en eut une

  1. Sens littéral du nom de Simmbaouéni. Pour la description de la ville et pour sa ruine, voyez l’ouvrage de Stanley : Comment j’ai retrouvé Livingstone, p. 91 et 525. (Note du traducteur.)