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À Kisémo, le chef nous amena une de ses chèvres et demanda un tribut de cinquante dotis ; mais comme ce n’était qu’un « petit voleur », sa demande ne fut pas écoutée. Il reçut de nous quatre dotis (huit brasses de cotonnade) en payement de sa bête, quatre dotis comme présent ; et malgré la différence qu’il y avait entre ce chiffre et celui de ses prétentions, il se déclara très-satisfait.

Au départ, le sentier nous fit gravir une côte rapide et traverser un plateau qui, avec de légères ondulations, s’incline à l’ouest jusqu’à une pente abrupte, dont la descente nous conduisit dans la vallée du Lougérenngéri[1]. Des affleurements de grès et de quartz se faisaient souvent remarquer ; les cailloux, cristallins abondaient ; et le sous-sol, rougeâtre par endroits, ailleurs formé de sable pur, d’un blanc d’argent, était revêtu d’une couche épaisse d’humus.

Un grand nombre de belles fleurs réjouirent nos yeux pendant cette marche ; entre autres des lis tigrés, des convolvulus, des primules d’un jaune superbe, et une plante dont la fleur a un peu l’aspect de celle d’une digitale dont la corolle serait dressée. Jusque-là, nous avions rencontré des primevères blanches, ainsi que de grandes marguerites jaunes et de petites fleurs bleues ou rouges, qui ressemblaient beaucoup à nos myosotis.

Après avoir descendu la pente dont il vient d’être question, nous vîmes des arbustes épineux de la taille de l’osier, qui portaient de grandes fleurs violettes en forme de campanule.

Ici, le Lougérenngéri coule dans une large vallée à fond plat, où, quand des orages exceptionnels gonflent ses eaux, il cause de grands désastres. En 1872, par suite des pluies dont fut accompagné l’ouragan qui fit tant de dégâts à Zanzibar, il emporta en deux heures vingt bourgades[2] et noya un grand nombre de

  1. Oungérenngéri de Stanley. Il est probable que l’orthographe de Caméron est la plus exacte, Lo, Lou, Ro, Rou signifiant eau courante, et formant, dans toute cette région, la première syllabe du nom de presque toutes les rivières. (Note du traducteur.)
  2. Stanley, qui passa au moment où ce désastre venait d’avoir lieu, et dont la véracité scrupuleuse est aujourd’hui bien avérée, dit que cent villages ont été détruits. Ce n’est pas de la pluie qui accompagna la tempête, mais une trombe : « Tout le monde dormait quand, au milieu de la nuit, on fut réveillé par d’épouvantables roulements, tels qu’en auraient fait de nombreux tonnerres. La mort faisait son œuvre sous la forme d’une grande masse d’eau ; on aurait dit un mur qui passait, arrachant les arbres et abattant les maisons. » Voyez dans Stanley (Comment j’ai retrouvé Livingstone), p. 91 et 525, la description de la vallée avant et après les dégâts. (Note du traducteur.)