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par suite de la désertion d’un grand nombre de leurs pagazis. J’appris alors combien j’avais à me féliciter de n’avoir perdu qu’une demi-douzaine de mes porteurs, pendant que nous étions à Msouhouah. Les jungles et les hameaux de ce canton fournissent tant de cachettes, qu’il est presque impossible de retrouver les fugitifs, et, pour les gens de la côte, Msouhouah est le lieu de désertion par excellence.

Ces Arabes exprimèrent le vœu de se joindre à nous. Sans les bruits de famine que l’on faisait courir, je n’aurais pas mieux demandé que de faire route avec eux ; mais se procurer des vivres pour tant de monde eût ralenti la marche, en supposant même que le ravitaillement fût moins difficile qu’on ne nous le faisait craindre, et je voulais gagner la plaine de la Makata le plus tôt possible ; chaque jour de retard augmentait le risque de la trouver inondée.

Ne nous arrêtant qu’une demi-heure, nous fîmes ce jour-là dix bons milles, traversant un plateau situé à quatre ou cinq cents pieds au-dessus de notre point de départ. Devant nous se dressait fièrement une chaîne de hautes collines, coiffées de nuages. Le pays était bien cultivé et de nombreux villages s’apercevaient dans les haies, faites de grands arbres, et dans les bouquets de bois. Où le sol n’était pas mis en culture ou couvert de jungles, l’herbe était excellente. La tsélé ne se voyant nulle part, je fus surpris de l’absence de bétail ; car ce pays, bien arrosé, ayant assez d’arbres pour donner de l’ombre pendant la chaleur du jour, semblait destiné à nourrir des troupeaux.

Chaque endroit cultivé renfermait une maisonnette, ou, pour mieux dire, un hangar. Sous cet abri minuscule était des offrandes, placées là pour apaiser les mauvais esprits et les empêcher de nuire aux récoltes.

Plusieurs tombes, couvertes de vaisselle de terre brisée, me furent signalées comme étant des sépultures de chefs. On y avait aussi érigé de petites cases, dont un arbrisseau, généralement de l’espèce des cactus, formait le pilier.

Dans cette marche, nous vîmes pour la première fois des baobabs, qu’on peut appeler les éléphants ou les hippopotames du monde végétal, leurs plus petites brindilles ayant deux ou trois pouces de circonférence, et leurs formes étant d’une laideur grotesque. Celle-ci, toutefois, est atténuée par la beauté de leurs fleurs blanches et le vert tendre de leur feuillage.