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barqué à Benguéla et mis en prison. Savoir si j’étais parti « à mes crochets » ou bien aux frais d’une compagnie excitait vivement sa curiosité. Il aurait voulu, disait-il, être du voyage, à cela près qu’il n’aimait pas la marche. Autrefois, étant patron d’une barque américaine, il avait fait le commerce de serpents recueillis en Afrique. Ce genre d’affaires lui avait tellement plu, qu’il me demanda si je pouvais lui indiquer un endroit où il y eût des serpents de grande taille ; il se mettrait immédiatement à leur recherche.

J’allai de mieux en mieux et pus voir le pays. Benguéla est, comme importance, la seconde des villes portugaises de la côte occidentale ; elle fait avec l’intérieur un trafic considérable en cire et en ivoire, et quelques-uns de ses marchands ont des pêcheries sur la côte.

Les rues sont larges, les maisons blanches, les portes et les fenêtres peintes de couleurs vives, ce qui donne à la ville un air de propreté. Au centre est un jardin public disposé avec goût, jardin bien entretenu, où la musique militaire joue tous les dimanches soirs. En fait d’édifices, il y a l’hôtel de la Douane, un très bon hôpital, la maison du gouverneur, le tribunal et une église qui n’est ouverte que pour les baptêmes et pour les enterrements ; puis un fort, grand parallélogramme qui, vu de la mer, a une tournure assez imposante, mais qui n’est défendu que par de vieux canons criblés de trous, huchés sur des affûts dont le bois est pourri, ou sur des tas de pierres qui leur permettent de montrer leurs gueules au-dessus des parapets.

La garnison compte à peu près trente hommes de race blanche — convicts pour la plupart — et deux compagnies de noirs. Selon toute apparence, la discipline n’est pas rigoureuse ; j’ai vu la sentinelle placée à la porte du gouverneur s’asseoir au milieu de la rue en fumant sa pipe, et ôter ses bottes. Je ne croyais certainement pas trouver chez ces soldats une fidélité inébranlable au drapeau qu’ils servent, mais j’étais loin de m’attendre à la proposition que me fit un officier non commissionné, officier à peau blanche, de se mettre sous mes ordres, lui et ses camarades, dans le cas où je voudrais prendre la ville, et de me céder le fort à condition que je leur donnerais de la viande trois fois par semaine au lieu d’une, que leur accordait leur gouvernement.

Tous les condamnés ne font pas partie de la troupe ; il y en a