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feux dispersés indiquaient des bivouacs. Ces caravanes étaient parties de la côte dans la soirée, et venues là pour se mettre en marche le lendemain, sans être retardées par l’attraction des cabarets.

Tout à coup, un de mes hommes qui avait pris de l’avance héla un arrivant. Je hâtai le pas, et vis l’un de nos messagers, celui de Manoël. Il apportait du pain, du vin, des boîtes de sardines, un saucisson, que nous envoyait un négociant de Catombéla.

Je n’avais pas mangé depuis le mince repas de la veille, et malgré le douloureux état de ma bouche, je parvins à avaler quelque chose.

Ce fut ma dernière couchée hors des limites de la civilisation. En dépit de la fatigue, j’étais trop ému pour dormir. Longtemps avant le lever du soleil, nous finissions les restes du souper, et nous commencions notre dernière étape. Vingt minutes après, nous étions en face de la mer.

Je compris alors la situation respective de Catombéla et de Benguéla. J’avais été fort étonné d’entendre dire que l’on passait dans la première de ces deux villes avant d’atteindre la seconde, et je ne comprenais rien à la direction de notre dernière marche, supposant, d’après les renseignements qui m’avaient été donnés, qu’au lieu d’être sur le rivage, Catombéla se trouvait à dix ou douze milles dans l’intérieur des terres.

Un homme, qui était à la recherche d’esclaves évadés, me raconta que des bruits relatifs à un Anglais venant des provinces centrales s’étaient répandus dans les derniers temps, mais que personne n’y avait ajouté foi.

Je descendis, en courant, la pente qui s’incline vers Catombéla, agitant mon fusil au-dessus de ma tête, que la joie avait tournée. Sous l’influence de la même ivresse, mes compagnons me suivirent ; nous courûmes ainsi jusqu’aux approches de la ville. Là, je déployai mon drapeau, et nous avançâmes plus tranquillement.

Deux litières, suivies de trois hommes portant des paniers, remontaient la route ; quand elles furent près de nous rejoindre, un petit Français, à l’air joyeux, sauta de sa maxilla, prit un des paniers, en tira une bouteille, la déboucha, et but « au premier Européen qui eût traversé l’Afrique tropicale d’orient en occident. »