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aussi aigre que possible, et m’exprima le regret de n’avoir pas été informé de ma visite : il aurait eu quelque chose de plus respectable à m’offrir ; pour le moment, il n’avait rien de préparé.

Remis en marche, nous passâmes parmi d’énormes blocs de granit ; puis le sentier se déroula sur un sol plus uni, bien boisé, bien arrosé, où nous rejoignîmes deux caravanes que nous parvînmes à distancer, et non sans peine. La course fut longue et ardente, ces caravanes n’appréciant pas du tout d’être battues par un blanc sur leur propre terrain.

Vers la chute du jour, nous nous trouvâmes au milieu d’une légion de sauterelles sur le point de se poser. Mes gens étaient fort désireux de s’approvisionner de ces insectes ; mais nous étions encore loin du bivouac et trop fatigués pour repartir, si nous nous arrêtions.

Le camp que nous voulions atteindre était situé dans une grande plaine découverte, brisée çà et là par des blocs de granit, et qui s’appelle Koutoué ya Ommboua (Tête du Chien). Quand nous y arrivâmes, la place était prise ; il fallut en chercher une autre.

La nuit était close ; nous finîmes par trouver dans l’ombre un misérable petit coin, dont nous avions résolu de nous contenter, lorsqu’en ramassant du bois pour notre feu, un de mes hommes découvrit un meilleur endroit, où nous nous rendîmes immédiatement.

Nous étions en route depuis treize heures dans un pays rocailleux, et je n’en pouvais plus ; mais je savais qu’au premier signe de fatigue donné par moi tous les autres s’abattraient ; il fallait sauver les apparences. J’observai donc mes étoiles, et soumis le thermomètre à l’eau bouillante pour relever notre altitude.

La nuit se dissipa ; une rangée de montagnes, qui paraissaient nues, se dessina de l’autre côté de la plaine ; nous l’atteignîmes après deux heures de marche. À droite de l’entrée de la passe, sur un promontoire coupé en falaise, de grands quartiers de roche superposés se tenaient en équilibre, comme les pierres branlantes de la Cornouaille. À gauche, de l’autre côté d’un profond ravin que traversait un cours d’eau rapide, s’élevaient d’énormes dômes, formés chacun, selon toute apparence, d’un seul bloc de granit. Leur surface, lavée par les pluies torrentielles,