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tablement que le permettaient nos faibles ressources ; hélas ! le pauvre garçon était à toute extrémité et mourut peu d’heures après.

Manoël me dit que si les Baïloundas, qui heureusement étaient campés à quelque distance, apprenaient cette mort, nous ne pourrions enterrer le défunt qu’après avoir payé une forte amende aux chefs du voisinage. Ce fut donc sans bruit, à la lueur du feu pour toute lumière, que nous creusâmes la fosse dans l’une de nos huttes, et que nous répandîmes la terre poignée à poignée.

Madjouto fut enterré selon le rite mahométan, un de ses camarades fit la lecture des prières ; puis la fosse fut comblée, couverte d’herbe, de façon à représenter un lit de bivouac ; et pour ajouter à la vraisemblance, un de mes homme s’y coucha et y resta quelque temps.

Il fut heureux que nous eussions pris ces précautions ; car au moment de partir nous eûmes des visiteurs ; et si la tombe avait été apparente, c’eût été pour nous une cause réelle d’embarras.

À peu de distance du bivouac, nous trouvâmes une légion de sauterelles encore tellement engourdies par le froid, qu’on pouvait recueillir n’importe quelle quantité de ces insectes. Les arbres en étaient chargés d’une façon prodigieuse : il n’était pas de branche, pas de ramille qui n’en fût couverte ; le tronc lui-même en était enveloppé ; et la couche, en beaucoup d’endroits, avait deux ou trois rangs d’épaisseur.

Quand le soleil devint plus fort, les bestioles, sans bouger de place, commencèrent à agiter leurs ailes ; il en résulta un bruit pareil à celui d’un torrent ; puis quelques-unes s’envolèrent, et moins d’une demi-heure après, tout l’essaim avait disparu.

Un grand nombre des indigènes avaient fait là une récolte abondante. Ils y avaient apporté une extrême ardeur, abattant des arbres de belle dimension, pour prendre leur charge de sauterelles. Mes gens ne furent pas les derniers à profiter de cette manne.

La marche qui, ce jour-là, ne fut que de deux heures et demie, nous fit rester six heures sur la route. Sans tenir compte du sort de Madjouto, un de nos hommes alla se coucher dans la jungle, et ne reparut que le soir.

Nous rencontrions maintenant tous les jours des caravanes