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cerais à suivre la bande. Le camarade avait refusé, laissant Madjouto accomplir son projet, mais sans en rien dire. Ce ne fut qu’à la chute du jour que le fait vint à ma connaissance. La pluie commençait, il était impossible d’envoyer à la recherche de l’absent.

J’ai passé de bien mauvaises nuits ; celle-ci fut la pire de toutes. Il pleuvait tellement fort que le sol en était liquéfié ; ma tente ne me couvrait plus ; et je pensais à Madjouto, qui était malade et sans abri, sans nourriture et sans feu. Dès que le jour vint à paraître, j’envoyai les moins fatigués de mes gens à la recherche du pauvre garçon. Une autre escouade partit avec l’espoir de nous procurer des vivres.

Ne voulant pas subir de nouveau les misères de la nuit précédente, je me fis construire une hutte et obligeai mes hommes à se faire des abris. Le soleil vint sécher notre peu de bagages ; et le bivouac eut un air habitable.

Dans la journée, passèrent des nuées de sauterelles ; quelques-unes furent assez épaisses pour voiler le soleil. Ma suite profita de l’occasion pour se ravitailler.

Ceux de nos hommes qui étaient partis le matin revinrent dans l’après-midi. Les fourrageurs rapportaient quelques provisions, dont une volaille pour laquelle ils avaient donné deux yards de cotonnade, pris sur les quatre qui me restaient. Quant à l’escouade envoyée à la recherche de Madjouto, elle n’avait rien trouvé, rien appris, bien qu’elle eût remonté jusqu’à l’endroit où l’absent avait quitté la route, et questionné toutes les personnes qu’elle avait vues.

Il était quatre heures ; une nouvelle course n’était pas possible ; mais j’étais bien décidé à fouiller la jungle le lendemain avec tous ceux de mes gens qui n’étaient pas sortis ce jour-là. Si la battue ne faisait rien découvrir, je m’arrangerais avec le chef d’un village voisin pour que, dans le cas où Madjouto se retrouverait, il fût envoyé à la côte.

Suspendre la marche plus longtemps eût été désastreux : mes hommes s’affaiblissaient de jour en jour ; il fallait gagner Benguéla au plus vite, sous peine d’en perdre beaucoup. Mais notre anxiété au sujet de l’absent fut calmée le soir même ; vers sept heures, nous vîmes reparaître Madjouto ; il arrivait plus mort que vif, mouillé, transi, n’ayant pas mangé depuis qu’il avait quitté la caravane. Je le fis sécher, masser, traiter aussi confor-