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un effet aussi lamentable, on y croyait pleinement ; et un féticheur fut appelé à dire ce qu’il pensait de mon appareil oculaire. Celui-ci, heureusement, assura que mon regard n’avait rien de mauvais : il dit à mon guide que son devoir était de m’assister en toute chose ; qu’il verrait, en arrivant à Benguéla, que j’avais la main ouverte.

Cet appel à mes sentiments généreux était irrésistible ; je ne pouvais, d’ailleurs, qu’être reconnaissant de l’opinion favorable émise sur mon compte, alors que j’étais accusé d’un méfait aussi grave ; je donnai donc au féticheur un morceau d’étoffe : ce qui réduisit mes fonds à quatre mètres de cotonnade.

Mon guide persistant malgré tout à soigner sa femme, un de ses frères consentit à le remplacer ; mais il fallait attendre qu’il se préparât de la farine.

Hommbo, le chef du village, avait été agent de Gonçalvès ; et bien qu’il sût que je n’avais rien à lui offrir, il fut hospitalier à notre égard ; tous les jours il m’apporta de la bière, et me fit présent de deux chevreaux, un pour moi, un pour ma bande.

J’ai peu de chose à dire de notre séjour à Lounghi. La principale occupation de mes hommes fut de confectionner les vêtements avec lesquels ils devaient entrer à Benguéla, vêtements taillés sur un patron à peu près le même pour tous ; la mienne fut de surveiller mes tailleurs, pour les maintenir à l’ouvrage et les empêcher de dépenser l’étoffe en boisson.

Un jour, on vint m’annoncer qu’un homme blanc désirait me voir. J’avais entendu dire qu’il n’y avait pas, dans le pays, d’autre homme de race blanche que Goncalvès et Ferreira ; qui cela pouvait-il être ? Je sortis de ma case, où j’étais en train d’écrire, et me trouvai en face d’un jeune Portugais ; voici comment il était dans le village. Ayant obtenu des marchandises à crédit, il avait quitté Benguéla avec deux associés pour se rendre dans l’intérieur. Arrivés à Lounghi, ses compagnons, s’étant pris de querelle, en étaient venus aux coups ; l’un d’eux avait tué l’autre, puis était parti avec la cargaison, laissant mon visiteur dans un dénuement absolu.

Le traitant qui avait fourni les marchandises ne voulait en avancer de nouvelles que lorsqu’il serait payé des précédentes ; et mon jeune homme, confié à la garde du chef de Lounghi, restait là, en gage des valeurs qu’on lui avait prises. Cette détention ne le chagrinait pas beaucoup ; il était bien vu des indigènes,