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où il était possible de sauter de rocher en rocher, et de franchir ensuite les rapides sur d’étroites corniches, en se tenant à des lianes jetées pour cela d’un bord à l’autre. Un seul faux pas, ou le bris de la corde, aurait été fatal : rien n’aurait pu vous empêcher d’être broyé sur les rocs où vous eût précipité l’eau furieuse.

En aval des rapides, la rivière, très profonde, avait soixante mètres de large, et la vitesse d’une écluse de chasse. J’ai su plus tard que l’on nous regardait comme très heureux d’avoir passé là et d’être au complet. Il est arrivé maintes fois que des gens se sont perdus pour avoir tenté l’entreprise. Dans cette saison, il est souvent nécessaire d’attendre quinze jours avant que la traversée devienne possible.

Du point où nous abordâmes, je jetai un regard en arrière et fus frappé de la vue que présentait cette masse liquide tombant d’une falaise, et que des rochers et des îlots couverts d’arbustes brisaient en cascades écumeuses.

Ce jour-là, beaucoup de ruisseaux furent traversés, qui, par intervalles, coulaient souterrainement. Ils fuyaient alors entre des pierres revêtues d’une épaisse végétation ; quelquefois la partie cachée n’était longue que d’une quarantaine de pas ; mais, ailleurs, ces rivulettes semblaient disparaître complètement. Nul doute qu’en pareil cas elles ne concourent à former les cataractes du Koutato.

Le lendemain nous gagnâmes le village de Lounghi, résidence du chef des Baïloundas qui m’accompagnaient, c’est-à-dire de mon guide ; nous nous y arrêtâmes pour acheter des provisions. Cet achat et la mouture du grain devant nous prendre au moins trois journées, je résolus de me faire construire une cabane, au lieu de rester sous ma tente, où il pleuvait comme à ciel ouvert. Le bois et l’herbe se trouvant en abondance, mes hommes se firent également de bons abris.

Sur ces entrefaites, l’épouse de notre guide tomba malade ; et notre homme, avec une affection conjugale qui lui faisait honneur, déclara qu’il ne partirait que lorsque sa femme serait complètement guérie. Cette résolution m’était fort contraire ; je résolus d’en faire revenir l’époux modèle ; et, à ma grande surprise, je découvris que j’étais soupçonné de mauvais œil, et accusé d’avoir jeté un sort à la femme en regardant le mari.

Bien que le procédé me parût trop indirect pour avoir produit