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camp. Afin de paraître aux yeux des naturels en tenue convenable, j’avais pris une tunique blanche, un pantalon d’égale blancheur et mis un voile vert à mon casque ; tenue qui, d’après Dillon, me faisait ressembler à un paysan de théâtre, au jour de ses noces.

Dans tous les cas, j’étais mal équipé pour une après-midi pluvieuse, comme me l’apprit bientôt une averse diluvienne qui, en quelques minutes, me trempa jusqu’à la moelle, fit du sentier un ruisseau, et d’un noullah[1], que j’avais passé le matin à pied sec, un torrent considérable ; mais croyant à la proximité du village, je continuai ma route.

Une marche de sept milles nous conduisit à un petit groupe de cases en formes de ruches ; c’était la capitale du district. Le chef n’était pas là ; et son fils, un élégant infatué de sa personne, ne voulut rien vendre en l’absence du maître. Après beaucoup de marchandage, j’obtins de l’un des villageois une chèvre et quelques œufs, mais ne trouvai rien pour mes hommes.

Poursuivant nos recherches, nous traversâmes un affluent du Kinngani, où l’eau nous monta jusqu’aux aisselles, Nous découvrîmes ensuite quelques misérables huttes, d’où mes gens ne purent tirer qu’une ou deux racines de manioc.

L’heure était avancée ; il fallait revenir. Bombay nous dit qu’il connaissait un chemin de traverse ; nous le prenons pour guide ; et nous voilà plongés dans un fouillis de grandes herbes ruisselantes. Le jour s’en va ; nous sommes toujours dans l’herbe, en pleines ténèbres, et complètement perdus.

Javais bien cru m’apercevoir que Bombay faisait fausse route ; mais lui et tous les autres avaient prétendu le contraire, et je n’avais pas insisté. J’ignorais alors que l’Africain, bien qu’il se rappelle les moindres détails du sentier qu’il a suivi une fois, est inhabile à s’ouvrir un nouveau chemin. Vers neuf heures, nous trouvant dans un marécage boisé, et nos coups de fusil n’obtenant pas de réponse, je cherchai un endroit relativement sec, où l’on pût allumer du feu, s’établir le moins mal possible et faire rôtir la chèvre.

  1. Le noullah est un ravin creusé en plaine, et dans un sol meuble, par des eaux torrentielles ; c’est le gully des Américains. Le nom est hindou ; il a été consacré en Afrique, pour cette région, par Burton ; Stanley lui-même l’a adopté, et comme il n’a pas d’équivalent dans les langues européennes, les voyageurs feront bien d’en généraliser l’emploi. (Note du traducteur.)