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palissades, ou bien d’épais bouquets de bois tranchant sur la pierre nue, villages qui me rappelèrent beaucoup de fermes des dunes du Wiltshire.

En traversant une plaine élevée et découverte, nous vîmes des troupes d’oiseaux fort nombreuses ; une bande, entre autres, d’une largeur extraordinaire et fuyant d’un vol rapide, me fut désignée. L’aspect en était si curieux, que je pris ma lunette. Je vis alors que cette nuée sombre était produite par la poussière que soulevait un grand troupeau de buffles qui galopait follement du côté de l’est.

Sur la route, nous rencontrâmes des indigènes qui revenaient du Baïlounda. La plupart étaient ivres et insolents ; en différents endroits, ils essayèrent de voler mes traînards ; et il fallut une certaine adresse, et beaucoup de patience, pour éviter des conflits qui auraient pu devenir graves. Ces gens prétendaient que nous n’avions pas le droit de traverser leur pays, en ce sens que nous ouvrions la route à des marchands qui les priveraient de leur monopole.

Toutefois, si les habitants nous voyaient d’un mauvais œil, les chefs des villages nous témoignaient beaucoup de bienveillance, et ne manquaient pas de nous apporter de la bière. Refuser cette courtoisie eût été d’une mauvaise politique ; mais on perdait beaucoup de temps dans ces haltes employées à se rafraîchir.

Les nuits étaient complètement pluvieuses, et nous eûmes des campées misérables. À ces mouillades continuelles s’ajoutaient l’insuffisance et la mauvaise qualité des vivres. En relations permanentes avec la côte, les indigènes avaient plus d’étoffe qu’ils n’en voulaient, et ils n’acceptaient en échange de leurs provisions que de l’eau-de-vie ou de la poudre. Nous n’avions ni l’un ni l’autre de ces articles, et il nous arrivait souvent de partir à jeun.

Le 16 octobre, nous traversâmes le Koutato, rivière étrange qui sépare le Bihé du Baïlounda. Ce passage périlleux se fit d’abord sur un pont submergé, d’où la force du courant balaya plusieurs de mes hommes, qui ne se sauvèrent qu’en s’accrochant aux buissons de la rive. Au bout de ce gué suspendu, nous trouvâmes une île, située parmi des rapides et des cascades tombant d’une colline rocheuse.

À première vue, l’obstacle semblait insurmontable ; mais, après quelques instants de recherche, nous découvrîmes un endroit