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femelles portant des graines, mais pas de fruits. Quand les tabourets furent replacés, Kagnommbé entra dans l’une des cases de l’enclos, et reparut peu de temps après avec une bouteille d’eau-de-vie et un gobelet de fer-blanc. Il versa à la ronde de petits coups de sa liqueur ; puis, mettant la bouteille à ses lèvres, il y produisit un si grand vide, que je m’attendis à le voir tomber ivre mort ; mais cela ne fit que le rendre plus actif, et il se mit à gesticuler et à danser de la façon la plus extravagante, employant les entr’actes de son ballet à tirer de sa bouteille de nouvelles gorgées. Enfin il s’arrêta, et nous partîmes.

J’allai me promener dans le voisinage, et visitai la grande féticherie du royaume. Les crânes de tous les chefs vaincus par Kagnommbé y figuraient, plantés sur des pieux, et entourés de têtes de léopards, de chiens et de chacals.

Près de cet endroit sacré, se trouvait le cimetière de la famille du chef. Sur les tombes, orientées sans exception du levant au couchant, étaient des pots brisés, des fragments de plats et d’écuelles. Au milieu du cimetière s’élevait une case à fétiche, où l’on avait déposé des offrandes d’aliments et de boisson pour les esprits des nobles défunts.

Un gros arbre, situé en dehors de la résidence royale, me fut désigné comme abritant de son ombre la place où les Portugais étaient reçus. En pareil cas, le fauteuil de Kagnommbé est placé sur un tertre qui se trouve à côté de l’arbre, et les visiteurs, prenant les racines pour escabeaux, s’asseyent aux pieds du chef. On m’assura que pas un homme blanc n’avait encore eu le privilège d’être admis dans l’enceinte particulière.

Des deux palissades, l’extérieure est, en réalité, la seule qui soit défensive ; toute la nuit, des gens du guet y font sentinelle. Quand le roi se met en campagne, ces gardes du corps ouvrent la marche, et l’honneur de porter le chapeau de Kagnommbé appartient à leur capitaine. Le chapeau royal joue dans l’affaire un très grand rôle ; dès que l’armée atteint le village ennemi, il est jeté par-dessus la palissade, et c’est à qui s’élancera pour le reprendre ; car celui qui le rapporte est le héros de la journée, et reçoit en récompense de l’eau-de-vie et des femmes.

Le lendemain, après avoir fait présenter mes adieux à Kagnommbé, je me mis en route pour l’établissement du sénhor Gonçalvès, où me conduisit une promenade agréable de quelques heures. En approchant de l’habitation, je fus vivement frappé du