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décharges des nôtres. Parmi les tireurs, étaient deux agents d’Alvez : un nègre civilisé appelé Manoël, et un échappé des établissements pénitentiaires de la côte, un homme de race blanche, connu généralement sous le nom de Tchico. Dès qu’il m’aperçut, Manoël vint à moi et me conduisit à une case très convenable que je devais occuper tout le temps de mon séjour.

À son entrée, Alvez fut accueilli par des femmes qui l’acclamèrent d’une voix perçante et qui lui jetèrent des poignées de farine. Sa longue absence avait fait croire à ses gens qu’il était perdu ; s’ils avaient pu réunir assez d’hommes et s’ils avaient eu des marchandises en quantité suffisante, ils auraient envoyé à sa recherche.

Le pommbé fut versé à flots ; puis, au milieu d’un calme relatif, les ballots furent déposés et les esclaves remis au soin des femmes. Ensuite on paya les porteurs ; chacun d’eux reçut de huit à douze yards de cotonnade, ce qui, joint à la quantité livrée au moment du départ, faisait une vingtaine de mètres. On y ajouta quelques charges de poudre comme gratification ; et le tout forma le salaire d’un peu plus de deux années de service. Naturellement, des hommes n’accepteraient point un pareil gage s’ils ne comptaient pas sur le produit des vols et des rapts qu’ils peuvent commettre dans les endroits où il n’y a pas d’armes à feu. Si dérisoire que fût le payement, tous étaient satisfaits du résultat de leur voyage, et avaient l’intention de repartir dès que les pluies auraient cessé. Ils emmèneraient, disaient-ils, tous les amis qu’ils pourraient enrôler, et retourneraient chez Kassonngo pour obtenir de ce chef intelligent un plus grand nombre d’esclaves.

Le jour de notre arrivée fut pour moi un jour de luxe. Alvez voulut bien me céder, sur ma signature, du café, du savon et des oignons. À part un petit morceau de deux pouces carrés que m’avait donné Djoumah Méricani, il y avait un an que je n’avais eu de savon, et je me donnai la jouissance d’en faire un large emploi.

L’établissement d’Alvez ne différait de Komanannté, village auquel il touchait, que par la plus grande dimension de quelques-unes de ses cases. Bien qu’il eût ce domicile depuis une trentaine d’années, Alvez n’avait pas fait le moindre essai de culture, pas cherché le moindre confort.