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contes, en avaient ressenti une vive terreur ; maintenant ils se réjouissaient en proportion de l’effroi qu’ils avaient eu, et leur disposition d’esprit était excellente.

Après avoir marché pendant quelques heures, nous atteignîmes un village qui paraissait beaucoup plus riche et plus civilisé que les autres. Nous y fûmes salués, en arrivant, par deux mulâtres d’un air respectable ; ces mulâtres étaient les propriétaires de l’endroit. Ils m’engagèrent à venir chez eux me rafraîchir ; mais apprenant que nous étions à peu de distance de la Kokéma, je continuai ma route.

Nous arrivâmes dans l’après-midi à Kapéka, village situé près de la rivière. Je fis halte sous une épaisse feuillée pour attendre Alvez, qui n’apparut que vers le coucher du soleil. Il était accompagné de deux mulâtres, suivis eux-mêmes d’une quantité d’épouses en grande toilette, dont quelques-unes portaient de petits barils de pommbé. Le chef indigène arriva de son côté avec un énorme pot du même breuvage, et les libations commencèrent.

La première épouse du plus important de nos visiteurs avait les cheveux crêpés en deux touffes tellement volumineuses que sa tête ne fût pas entrée dans un boisseau[1].

De même que son mari, elle était mulâtre et de couleur claire.

Je remarquai dans le village un troupeau de quarante vaches ; il appartenait au chef ; mais bien qu’importées d’un pays cafre, où le lait est généralement recueilli, ces vaches, au dire des habitants, étaient trop farouches pour qu’on pût essayer de les traire.

Les bêtes bovines étaient autrefois beaucoup plus nombreuses dans les environs de Bihé ; il y a quelques années, une épizootie les a fait complètement disparaître ; celles qu’on voit aujourd’hui viennent de Djenndjé.

Le lendemain matin, nous traversâmes la Kokéma, large de quarante yards, profonde de deux brasses ; cette traversée nous prit deux heures. Peu de temps après, une querelle s’éleva entre les natifs et quelques hommes de ma bande. L’un de ces derniers s’était retiré dans un champ ; il avait été vu par le propriétaire, qui, dans son indignation, réclamait une indemnité

  1. Le boisseau anglais est d’une contenance de trente-six litres.