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bêtes, nous nous amusions à tirer sur les nombreux hippopotames de la rivière. Un énorme crocodile, se laissant aller au fil de l’eau, vint faire diversion à ce plaisir. Je réussis à lui loger deux balles dans l’échine : balle conique et balle explosible ; il bondit de toute sa longueur à six pieds en l’air ; puis il enfonça, et on ne le revit plus.

Enfin les ânes nous rejoignirent sur la rive nord du Kinngani, la tente et le cuisinier également, et nous partîmes pour Kikoka. À onze heures, nous avions gagné ce village, que nous pensions quitter le jour même. Je renvoyai Moffat, qui nous avait accompagnés jusque-là ; il allait retrouver Murphy, auquel il portait mes derniers ordres. Après son départ, nous essayâmes de rassembler nos gens pour les mettre en marche. Ce n’était pas facile : les charmes circéens de Bagamoyo avaient tant de force que nous avions une quarantaine d’absents. Il en fut de même le lendemain matin. Je promis aux gardes du bac de les payer, si aucun de mes hommes ne passait la rivière sans un écrit signé de moi ; promesse inefficace. J’envoyai Bombay avec une escouade à Bagamoyo pour en chasser les déserteurs ; je lui donnai l’ordre de les ramener chargés de vivres.

Au bout de quatre jours, dépensés en flânerie dans le voisinage d’Abdallah Dina, à ce que j’ai su plus tard, Bombay et son escouade reparurent sans ramener personne,

Pendant ces quatre jours, un appelé Issa, natif des Comores, qui avait servi interprète à bord du Glascow et montrait d’excellents certificats, offrit de se joindre à l’expédition. J’avais besoin d’un indigène pour conduire la bande que devait amener Murphy ; cet homme servirait de guide. Il savait lire et écrire ; à l’occasion il remplirait les fonctions d’interprète, celles de garde-magasin ; et comme il était allé jusqu’au Manyéma et en d’autres lieux peu connus des gens de la côte, je pensai qu’il pourrait nous être utile par son expérience ; je l’engageai donc immédiatement.

Pendant notre séjour à Kikoka, il passa deux caravanes chargées d’ivoire, caravanes descendantes ; mais pas un des Vouanyamouési qui les composaient ne voulut venir avec nous, pas un ne se laissa tenter par nos offres : avant de rentrer dans leurs foyers, ils voulaient s’amuser à Bagamoyo.