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perspective était désolante ; les quelques effets qui ne m’étaient pas absolument indispensables avaient été mis en pièces, et j’en avais déjà donné plusieurs morceaux.

Remontant la vallée du Loumédji, Alvez nous fit tourner à droite pour éviter Mona Pého, chef de l’une des trois divisions du Kibokoué.

Après avoir rangé beaucoup de villages, nous nous arrêtâmes en haut d’une vallée que traverse l’un des nombreux affluents du Loumédji. Mon camp était à une heure de celui d’Alvez, qu’il précédait ; une foule d’indigènes y arrivèrent, et je venais d’entamer la conversation, lorsque tout à coup s’éleva un bruit de querelle. C’était Sammbo, mon cuisinier, qui, toujours se colletant ou faisant des niches, était cause du tumulte. Il avait entrepris un vieux chef, qui se disait gravement insulté.

J’ouvris immédiatement une enquête, avec tout le sérieux voulu, bien qu’il fût difficile de ne pas rire en écoutant Sammbo raconter l’affaire. Mais le vieux chef, qui n’entendait pas raillerie, était si profondément blessé, que pour obtenir la paix il fallut donner mon dernier vionngoua.

Je n’avais plus de farine que pour trois ou quatre jours, de riz que pour sept ou huit ; mes gens n’étaient pas mieux pourvus ; et il était plus que probable que nous aurions beaucoup à souffrir avant d’atteindre Bihé.

La marche suivante eut lieu dans une forêt entrecoupée de longues clairières, traversées par des cours d’eau limpides, dont les derniers se rendaient au Cassaï. La forêt était belle ; une futaie avec un sous-bois clairsemé, composé de jasmins et d’autres arbres odoriférants, mêlés à des fougères et à des mousses d’une élégance indicible.