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Ayant dit ces paroles, le vieillard s’en alla. Deux nuits après, l’homme généreux entendit pleuvoir et venter comme on ne l’avait jamais entendu. « L’étranger a dit vrai, » pensa-t-il ; et se levant bien vite, il partit avec ses femmes, ses chèvres, ses esclaves, ses poules et tout son avoir. Le lendemain matin à la place où était le village se trouvait le lac Dilolo.

Depuis lors, tous les gens qui traversent le lac, ou bien qui s’arrêtent sur ses rives durant les nuits calmes, entendent sortir du fond de l’eau le bruit des pilons qui broient le grain, entendent le chant des femmes, le chant des coqs, le bêlement des chèvres[1].

  1. Une autre légende du lac Dilolo est rapporté par Livingstone ; c’est bien le même fond, le même sujet, mais les détails diffèrent. Au lieu d’un homme, c’est une femme, cheffe de bourgade, qui demande l’hospitalité ; les riches habitants la lui refusent ; elle leur reproche leur avarice : « Que ferez-vous pour nous en punir ? » lui demandent-ils d’une voix railleuse. Sans leur répondre, la femme se mit à chanter lentement ; elle s’appelait Moéné Monennga ; tandis qu’elle prolongeait la dernière syllabe de son nom, le village tout entier, jusqu’aux oiseaux de basse-cour et aux chiens, s’enfonça et disparut dans la terre, à l’endroit où les eaux sont venues prendre sa place. Kasimakaté, le chef de ce village, était absent ; lorsqu’il revint et qu’il ne trouva plus sa famille, plus personne, pas même les ruines de sa demeure, il se précipita dans le lac, où il est toujours ; et c’est du mot ilolo, qui signifie désespoir, qu’à été formé le nom du lac où le malheureux Kasimakaté a cherché la mort. (Explorations de Livingstone dans Afrique australe, p. 330.) (Note du traducteur.)