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preinte ineffaçable. Depuis cette époque, il avait changé deux fois son village de place[1].

Dans l’après-midi, beaucoup d’indigènes se rendirent au camp. L’un d’eux, auquel je parlais du lac Dilolo, me raconta sur ce lac une légende qui mérite d’être rapportée ; je la donne ici telle que je l’ai reçue.

À la place où est aujourd’hui le lac, il y avait autrefois un grand village, où l’on était heureux. Tous les habitants étaient riches ; ils possédaient tous beaucoup de chèvres, beaucoup de volailles et de cochons, du grain et du manioc en bien plus grande quantité qu’il n’en est maintenant accordé aux hommes. Ces gens riches passaient gaiement leur vie à manger et à boire, sans penser au lendemain. Un jour, un homme très âgé vint dans cet heureux village. Il était las, il était affamé et demanda aux gens d’avoir pitié de lui, car il avait encore à faire une longue route ; mais au lieu d’écouter sa demande, les gens le poursuivirent de leurs moqueries et encouragèrent les enfants à lui jeter de la boue et des ordures.

Mourant de faim et les pieds déchirés, il sortait du village, quand un homme plus généreux que les autres lui demanda ce qu’il voulait. Il répondit qu’il avait besoin d’un peu d’eau, d’un peu de nourriture, et d’un coin où il pût se reposer, car il tombait de fatigue. L’homme généreux l’emmena dans sa hutte, lui présenta à boire, tua une chèvre, et plaça bientôt devant lui une bouillie de grain et un plat de viande ; puis quand le vieillard fut rassasié, le villageois lui donna sa propre couche pour y dormir.

Au milieu de la nuit, l’étranger se leva, alla réveiller l’homme généreux et lui dit : « Vous avez été bon pour moi ; je veux à mon tour vous rendre service ; mais ce que je vais vous confier ne doit pas être connu de vos voisins. » L’autre promit le secret, sur quoi le vieillard lui dit : « Avant peu, il y aura pendant la nuit un grand orage ; dès que vous entendrez le vent souffler, levez-vous, prenez tout ce que vous pourrez emporter et fuyez bien vite. »

  1. Il n’est pas étonnant que Katenndé n’ait pu rien dire de Livingstone, car il n’y avait eu entre eux qu’un échange de messages, au sujet du tribut. Les débats se prolongèrent pendant deux jours, au grand ennui du voyageur, qui entre à cet égard dans de longs détails, et termine par ces mots : « Nous partons enfin sans avoir vu Katenndé. » (Voyez Explorations dans l’Afrique australe, p. 336 et suivantes.) (Note du traducteur.)