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finée que la mienne pour en apprécier le fumet, il est certain que je n’ai plus essayé du ragoût d’éléphant.

Le dépeçage des deux bêtes donna lieu à une scène immonde. Tous les gens d’Alvez, montés sur les colosses ou les entourant, hachaient, coupaient, déchiraient ces cadavres, dont ils se disputaient les lambeaux en hurlant et se chamaillant comme une bande de chiens sauvages.

Encouragé par la vue de cette grosse proie, je m’étais remis en chasse dès le matin et avais battu pendant six heures tout un coin de la forêt, lorsque, au moment de revenir, un magnifique élan sortit du hallier. Je lui envoyai une balle explosible ; il tomba, fut bientôt relevé, et reçut de mon second coup une balle ordinaire qui l’abattit définitivement. Celle-ci lui avait traversé le cœur ; l’autre s’était brisé sur l’omoplate, où l’éclat qui en avait formé la base s’était aplati au point d’être aussi mince qu’un pain à cacheter.

L’un de mes hommes tua également un élan ;’et ma bande fut aussi bien approvisionnée que celle d’Alvez, qui garda ses deux éléphants pour elle. Il me fut impossible d’en obtenir la moindre portion pour les gens de ma suite, portion que j’offrais de payer. Le petit morceau de trompe que je demandai pour moi me fut même vendu fort cher.

La venaison débitée et emballée, on se mit en route. Deux heures de marche à travers la jungle nous conduisirent à un village dont les habitants avaient pris la fuite. Les gens d’Alvez s’arrêtèrent, déclarant qu’ils voulaient camper dans cette bourgade déserte, où ils auraient des vivres en abondance et qui ne leur coûteraient rien.

Ennuyé et révolté de ces délais et de ces pillages, je poursuivis ma route avec quelques-uns de mes hommes, et donnai l’ordre à Bombay d’amener la cargaison. Je le vis arriver peu de temps après avec une demi-douzaine de soldats, mais pas de ballots ; Alvez ayant pris une autre route, mes porteurs l’avaient suivi. Les rappeler n’aurait servi de rien ; il ne me restait qu’une chose à faire : retourner sur mes pas et les rejoindre.

Un village qui avait été mis à sac était sur ma route ; j’y trouvai une bande de pintades occupées à manger le grain que les pillards avaient répandu. La bande s’envola, et je tuai l’un de ses membres, une poule grasse, qui atténua ma mauvaise humeur.