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portes ; et des lances menacèrent mes hommes, qui jugèrent à propos de se retirer. Néanmoins, au bout de quelque temps, les villageois reprirent confiance ; voyant alors que ma suite n’était composée que de trois individus, ils sortirent de leur retraite et me contemplèrent de loin.

Je finis par décider l’un d’eux à venir près de nous : mais quand il m’eut regardé, il se couvrit la figure de ses deux mains, puis se sauva en poussant un cri de terreur. Il n’avait jamais vu d’homme blanc, et je suppose qu’il me prit pour le diable.

Un gamin d’une douzaine d’années fut plus audacieux, il resta près de moi ; je lui donnai un peu de tabac et quelques perles. Observant qu’il ne lui arrivait aucun mal, d’autres gens approchèrent et me regardèrent en riant aux éclats ; enfin une vieille femme consentit à me vendre une poule.

Tandis que je me livrais avec mon entourage à une pantomime animée, la bande d’Alvez apparut ; immédiatement les villageois se précipitèrent dans leur enceinte, dont les portes se refermèrent.

Juste à l’entrée du village, je vis un python mort ; il avait une longueur de treize pieds huit pouces, mais il n’était pas très gros.

La place que j’avais choisie pour camper était voisine du chemin, et la caravane tout entière passa devant moi. Le triste défilé dura plus de deux heures. Femmes et enfants, pliant sous leurs charges et les pieds déchirés, avançaient, poussés par leurs maîtres qui les frappaient, dès que la marche venait à se ralentir.

On arriva au camp ; loin de se reposer, les malheureuses furent obligées d’aller chercher de l’eau et du bois, de faire la cuisine et de construire des huttes pour leurs propriétaires. Celles qui parvinrent à se composer une sorte d’abri avant la nuit close furent les favorisées.

La perte de travail qui résulte de l’enchaînement des esclaves est monstrueuse. Veut-on avoir une cruche d’eau, vingt femmes sont contraintes de se rendre à la rivière ; pour un fagot d’herbe, il faut employer toute la chaîne. En route, si l’un des marcheurs a besoin de s’arrêter, tous les autres doivent faire halte ; et quand un de ces malheureux tombe, cinq ou six de ses compagnons sont entraînés dans sa chute.

Tout le pays était parfaitement boisé et sillonné de cours d’eau