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che, près de la frontière occidentale de l’Ouroua. La caravane devait y acheter des vivres pour la traversée de l’Oussoumbé.

Les quatre premières étapes se firent dans un pays de bois et de montagnes, où les villages, presque tous fortifiés, étaient en grand nombre. Beaucoup de ces villages refusèrent de nous recevoir ; ils étaient dévoués à Déiyai, et craignaient que nous ne fussions envoyés par Kassonngo pour les attaquer.

Je ne saurais dire à quel point la conduite des gens d’Alvez était révoltante. Ils attaquaient toutes les petites bandes d’indigènes que nous rencontrions et les dépouillaient de leurs charges, composées principalement de grain et de poisson sec, que ces pauvres gens portaient à Kassonngo pour s’acquitter du tribut.

Pas une terre cultivée qui fût à l’abri de leurs ravages ; ils s’y abattaient comme une nuée de sauterelles, et, jetant leurs ballots, ils arrachaient les patates, déracinaient les arachides, dévastaient les moissons dont les épis n’étaient pas mûrs : tout cela pour s’amuser. Dans les villages, ils coupaient les bananiers, effeuillaient les élaïs pour construire leurs cabanes, faisant ainsi un tort irréparable aux villageois.

À mes remontrances, ils répondaient que Kassonngo les avait autorisés à prendre tout ce qui leur serait nécessaire. Mais, privés de leurs fusils, ils n’auraient pas agi de la sorte ; dès que nous entrâmes dans la région où les habitants avaient des armes à feu, ces bandits effrénés devinrent aussi doux que des colombes et cédèrent à toutes les demandes des indigènes.

Par suite de ce brigandage, on ne voyait plus dans les bourgades ouvertes ni femmes, ni enfants, ni chèvres, ni volailles ; on ne trouvait là qu’un petit nombre d’hommes, restés dans l’espoir de préserver les cases, et dont la présence ne servait à rien.

Ces courses n’avaient lieu qu’en pays découvert. Pas un de nos brigands ne se serait éloigné de la caravane, lorsqu’ils traversaient la jungle ; car on la disait remplie d’hommes armés qui s’emparaient des traînards ; le bruit courait que c’était pour les manger.

Je gardais autant que possible mes gens autour de moi, pour les empêcher de faire comme les autres ; mais cette précaution même les obligeait d’acheter les vivres volés que rapportaient les pillards. Je serais mort de faim cent fois pour une, si je n’avais pas rencontré Djoumah Méricani. Jamais on ne se mon-