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quelles se joignaient par instants les voix de la foule, qui reprenaient en chœur différents passages.

Ce long préambule terminé, les chefs vinrent les uns après les autres faire leurs saluts, en commençant par celui du rang le moins noble. Chacun d’eux était accompagné d’un jeune garçon portant un sac rempli de cinabre ou d’argile blanche, réduite en poudre. Le salueur, suivi de ce garçon, marchait vers Kassonngo ; lorsqu’il n’en était plus qu’à une vingtaine de pas, il prenait le sac des mains du page, et se frottait la poitrine et les bras avec la poudre qu’il avait apportée. Tout en se frictionnant, il sautait d’un pied sur l’autre et criait d’une voix suraiguë les titres du souverain : Kalounga Kassonngo, Kalounga, Moéné Mounza, Moéné Bannga, Moéné Tannda, et ainsi de suite.

Quand il était suffisamment barbouillé de rouge ou de blanc, le salueur rendait le sac à l’enfant, tirait son épée et s’élançait vers Kassonngo, qu’il semblait vouloir pourfendre ; mais au moment de l’atteindre, il plongeait son épée dans le sol, en tombant à genoux, et se frottait le front dans la poussière. Quelques paroles de Kassonngo répondaient à cet hommage ; le chef les écoutait, le front toujours à terre ; puis il allait, avec sa suite, grossir le cortège du maître.

Tous les saluts ayant été faits, Kassonngo prononça un long panégyrique de lui-même, où il affirma la divinité de ses droits, exalta sa puissance, et rappela que le seul chef qui pût lui être comparé était son cousin, le Mata Yafa.

Deux discours lui furent alors adressés, l’un par Coïmbra, l’autre par un de nos hommes. Dans ces palabres, où chacun fit également son propre éloge, il entra beaucoup de récriminations ; une ou deux fois, les choses menacèrent de se gâter ; mais cela n’alla pas plus loin.

Kassonngo leva la séance en me confiant d’une manière formelle aux soins d’Alvez, disant à ce dernier que s’il m’arrivait malheur en chemin, on pouvait être sûr qu’il en serait instruit ; « qu’Alvez ferait donc bien de veiller aux intérêts de l’homme blanc, sinon de ne jamais reparaître dans l’Ouroua. »

Malgré ces paroles, malgré l’engagement qu’il avait pris de partir aussitôt après la réception, Alvez résolut d’attendre les funérailles de l’une des femmes de Kassonngo qui venait de mourir. Cela demanda sept jours au bout desquels je revis le chef ; il était très sale et très défait, ce qui n’avait rien d’éton-