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À part quelques individus qui discutaient et vociféraient à toute vapeur, les indigènes regardaient les flammes avec une apathie dont rien ne semblait pouvoir les faire sortir. Par bonheur il n’y avait pas de vent ; et quand il eut dévoré le groupe de cases où il avait pris, le feu s’éteignit de lui-même.

La plus grande partie du lendemain fut consacrée à payer les porteurs. Les goûts particuliers de chacun d’eux et la difficulté qu’ils semblent tous avoir à prendre une décision et à l’exprimer, font de cette corvée de la paye tout ce qu’il y a au monde de plus fastidieux. Un homme est appelé ; il répond : « Ay-ouallah », mais il ne bouge pas. Quand, à la fin, il lui plaît de sortir des rangs, vous lui demandez comment il désire recevoir l’acompte qui lui est dû. Après dix minutes de réflexion arrive la réponse : tant de dollars, tant de méricani[1], tant de kaniki[2]. Sa paye est faite ; il demande à changer une pièce d’or pour des picés[3] ; il faut compter tout ce billon crasseux. Vous croyez en être quitte ; nullement : votre homme éprouve le besoin de troquer deux brasses de méricani pour deux de kaniki, ou vice versa ; puis il sollicite un doti de gratification ; encore deux brasses à auner.

De temps en temps nous menions le soir quelques-uns de nos hommes sur la plage pour les faire tirer à la cible ; d’abord un coup à poudre, puis trois tours à balle, dans une case vide, à cent pas de distance.

Tous les matins nous passions nos soldats en revue. Cette mesure nous avait paru nécessaire. En pareil cas l’honneur de porter le drapeau revenait à Ferradi et à Oumbari, deux anciens compagnons de Speke.

Nous avions donné pour uniforme à nos askaris une jaquette rouge, un fez de même couleur, une chemise blanche, et le cummer bund[4] ; Bombay et les autres chefs portaient les galons des officiers non commissionnés.

Le 8 février, jour de grande fête pour les Arabes, tous nos askaris musulmans nous honorèrent d’un salam particulier, et

  1. Calicot écru fabriqué en Amérique, d’où lui vient son nom. (Note du traducteur.)
  2. Cotonnade bleue fabriquée dans l’Inde. (Note du traducteur.)
  3. Petite monnaie de cuivre de Zanzibar, valant quatre centimes. (Note du traducteur.)
  4. Ceinture des soldats qui ont fait l’expédition de Chine. (Note du traducteur.)