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et je fus livré à mes propres forces. Je présidai au passage de la plupart de mes hommes ; puis, accablé de fatigue, je laissai à Bombay le soin d’amener les autres et le reste de la cargaison.

Le village où nous devions camper se trouvait au bord d’une lagune, dont l’eau morte et fangeuse fumait sous les rayons du soleil. Cette place, que l’inondation couvrait tous les ans pendant quatre ou cinq mois, n’était habitée que dans la saison sèche, et seulement par les Vouaghénya, qui sont à l’épreuve de la fièvre.

Vainement, ce soir-là, j’attendis Bombay ; et, lorsqu’il arriva le lendemain, au milieu du jour, Asmani, Mabrouki et un autre avaient déserté avec armes et bagages. Dès que j’avais été hors de vue, ledit Bombay avait déchargé le canot, puis était revenu à l’établissement pour faire une orgie de bière. Mon lit, ma cantine, mes provisions, ma boîte pharmaceutique étaient dans la pirogue. Ce fut en grande partie à leur absence que je dus le violent accès de fièvre dont je fus attaqué, après avoir couché sur cette rive insalubre.

Malade ou non, j’étais décidé à partir ; et à une heure je me mis en marche pour aller rejoindre Tipo, qui avait passé la rivière un peu plus bas. Nous traversâmes beaucoup de villages dont les femmes étaient occupées soit à prendre du poisson dans les lagunes, soit à faire de grands vases destinés à contenir l’huile de palme.

Presque toutes les cases avaient un cochon attaché à l’un des montants de la porte, et l’odeur de ces animaux, celle du poisson gâté, de la fange, etc., composaient un bouquet d’Afrique d’une senteur inimaginable.

Peu de temps après notre jonction avec Tipo-Tipo, nous avions quitté le fleuve, monté une pente douce, traversé un marché au fort de la vente, et, à quatre heures de notre point de départ, rencontré le Rovoubou, large cours d’eau que nous avions traversé au moyen d’une énorme pêcherie servant de passerelle.

En beaucoup d’endroits, les pieux de l’édifice avaient plus de quarante pieds de longueur ; et d’après leur nombre, il était évident que la construction de ce piège gigantesque avait demandé un travail persévérant et bien conçu.

Arrivés sur l’autre bord, nous fîmes halte ; la caravane en profita pour prendre un bain. Quant à moi, épuisé que j’étais