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d’éléphant pour celui qui leur fournit de la poudre ; l’homme aux six cents Vouanyamouési avait en magasin plus de trente mille livres de bel ivoire, et attendait que la route de l’Oudjidji à l’Ounyanyemmbé fût libre pour envoyer cet ivoire à la côte. Plusieurs de ses confrères étaient également fort bien pourvus ; mais Saïd Mézroui n’avait rien ; c’était un besoigneux, sans nul crédit ; toutes les histoires qu’il m’avait contées sur la grande influence qu’il possédait dans cette région étaient des mythes.

Comme toujours, les Arabes furent très polis, très généreux, et je ne pus m’arracher à leur hospitalité qu’au bout d’une semaine.

Pendant ce temps-là, Hassani était campé dans une bourgade voisine, où il se soignait d’une mauvaise fièvre. Ma conscience m’obligeait à lui porter secours ; et malgré nos anciennes querelles, je faisais matin et soir deux milles pour aller lui donner mes soins, autant pour revenir. Toute cette peine ne me valut pas même une parole de remerciement ; j’imagine qu’il ne me pardonnait pas mon entremise dans l’affaire des esclaves.

Nous quittâmes Kouakasonngo le 1er août ; deux jours après, nous étions en vue du Loualaba.

C’est du haut d’un escarpement avancé, que pour la première fois mon regard s’arrêta sur le fleuve qu’il s’agissait de reconnaître. J’avais sous les yeux une rivière puissante d’un mille de large, aux flots troubles et jaunes, courant avec une vitesse de trois à quatre milles à l’heure et contenant beaucoup d’îles qui ressemblaient aux îlots de la Tamise. Les plus grandes, qui étaient bien boisées, étaient habitées par les Vouaghénya ; ceux-ci occupaient, avec les îles, une longue bande de la rive gauche et leur tribu étant la seule qui eût des canots, ils avaient le monopole du trafic de la rivière.

De nombreuses pirogues, et des bandes d’oiseaux aquatiques, volant d’un banc de sable à l’autre pour y chercher pâture, animaient la scène, tandis que de grandes troupes d’hippopotames soufflant et ronflant, ça et là l’échine écailleuse d’un crocodile, rappelaient les dangers du passage.

Juste au moment où nous allions gagner le Loualaba, nous avions passé devant des villages dont les cases étaient de la même forme que celles de l’Ougouhha et de l’Ouboûdjoua. Des bosquets d’élaïs, régulièrement plantés et entourés de haies de cactus épineux, s’élevaient près de ces villages. Deux cases, une