Page:Cameron - A travers l'Afrique, 1881.pdf/285

Cette page a été validée par deux contributeurs.

s’efforce d’entretenir avec eux de bonnes relations et voudrait leur voir fonder un établissement régulier dans son village[1].

Beaucoup de chefs vinrent nous rendre visite ; ils étaient accompagnés de leurs musiciens et de leurs servants d’armes. Deux de ces visiteurs avaient en outre un nain qui portait une crécelle et acclamait le nom de son maître, en criant : Ohé ! ohé ! Moéné !… Ohé ! ohé ! tandis qu’il faisait craqueter son instrument. L’un de ces nains, couvert de pustules et qui avait un genou difforme, était affreux à voir.

Les musiciens jouaient du marimeba, sorte de tympanon formé de deux rangées de gourdes de dimensions graduées, sur lesquelles sont placées des touches de bois, également de diverses grandeurs, et qui, frappées avec des baguettes terminées par une boule en caoutchouc, rendent un son métallique. Ces baguettes elles-mêmes étaient de différentes dimensions ; l’artiste en changeait fort habilement lorsqu’il voulait obtenir des notes plus vibrantes ou plus étouffées.

Moéné Bôoté s’approcha d’un pas à demi dansant, qui ne le faisait guère avancer que d’un yard par minute ; il s’arrêtait quand il avait gagné deux ou trois mètres, afin que son joueur de marimeba et son nain pussent à loisir exalter sa grandeur.

Au Manyéma, la danse est l’une des prérogatives du pouvoir. Quand un chef se sent en veine chorégraphique, il choisit dans la foule une jeune et jolie femme, lui fait vis-à-vis, et tous les deux gesticulent et se tortillent d’une façon curieuse, au bruit des tambours que bat vigoureusement l’orchestre, en criant : Gamello ! gamello !

Si la danseuse est une jeune fille, l’invitation du chef équivaut à une demande en mariage, et il en résulte souvent de graves complications.

Ici, les habitants sont plus prolifiques que tous les Africains d’autre race que j’ai eu l’occasion de voir. Ils paraissent s’aimer beaucoup entre eux et ont des qualités nombreuses ; mais ils n’en sont pas moins anthropophages et d’une anthropophagie dégoûtante. Ils ne mangent pas seulement les hommes tués dans le combat, ils y ajoutent ceux qui meurent de maladie,

  1. Voyez ce que dit Livingstone de Moéné Bougga (son Moïnemmbegg), Dernier Journal, vol. II, p. 27, 28 ; et les détails qu’il donne sur Moïnékouss, même vol., p. 15, 66, 19, 80. (Note du traducteur.)