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de dépenses, et fut préjudiciable aux intérêts de l’expédition. D’abord, en notre qualité supposée d’agents anglais, nous dûmes payer les hommes et les choses deux et trois fois le prix ordinaire : bien que nous fussions d’une loyauté scrupuleuse, chacun trouvait juste d’exploiter un gouvernement aussi riche et aussi libéral que le nôtre. Ensuite, l’objet avoué de la mission à laquelle on nous faisait appartenir étant de supprimer le commerce d’esclaves, tous les Vouamrima et les Vouasouahili des classes inférieures, à qui nous avions affaire, nous trompaient et nous créaient sous main des embarras de toute sorte.

À ces conditions fâcheuses s’ajoutait le peu de marge dont nous disposions. Nos ordres portaient que nous devions partir en toute hâte et à tout risque. On était alors en janvier ; à cette époque de l’année, les caravanes qui se dirigent vers l’intérieur sont en route depuis longtemps, et celles qui reviennent à la côte ne sont pas arrivées. Ne pouvant pas les attendre, nous fûmes obligés de prendre le rebut de Zanzibar et de Bagomayo, et d’accorder à cette lie des bazars le double de ce que nous aurions donné à des porteurs de profession.

Il fallut donc se mettre en marche dans la plus mauvaise période de la saison pluvieuse, avec des gens dont les neuf dixièmes n’avaient jamais voyagé, et qui, n’étant pas habitués à porter des fardeaux, nous créèrent à chaque pas des difficultés par leurs haltes et leur éparpillement. Encore si le mal se fût borné là ! Mais presque tous étaient des voleurs, qui, sans cesse, puisaient dans la cargaison. Les effets de cette hâte inconsidérée du départ m’ont poursuivi jusqu’à la fin du voyage.

Bombay fut chargé de nous procurer trente hommes sur lesquels on pût compter : des gens qui devaient être nos soldats, nos serviteurs, et se chargeraient de conduire les ânes. Il promit toute diligence et parut s’y employer activement, chaque fois qu’il fut visible du consulat ; mais j’ai su qu’il avait racolé ses hommes n’importe où, dans les coins du bazar, et la troupe fut singulièrement mêlée.

En surplus de ces askaris[1], nous engageâmes quelques porteurs et nous fîmes l’achat de douze ou treize ânes, qui, l’un dans l’autre, nous coûtèrent chacun dix-huit dollars. Puis, ayant loué

  1. Mot qui veut dire soldats et qui s’applique aux gens armés composant l’escorte d’une caravane, bien qu’ils n’aient rien de commun avec la force militaire du pays (Note du traducteur.)