Page:Cameron - A travers l'Afrique, 1881.pdf/277

Cette page a été validée par deux contributeurs.

que personne ne demeurât en arrière, car les traînards seraient pris et probablement dévorés. Je me rassurai en pensant que j’étais trop maigre pour valoir qu’on me mangeât : à peine si l’entourage de mes os eût fait le repas d’un homme.

Bien que du village de Kolomammba on aperçût Rohommbo, il nous fallut marcher péniblement pendant des heures pour atteindre ce dernier endroit.

Des clairières herbues, entremêlées de jungles, se déployaient des deux côtés de la route. À mesure que nous avancions, une foule plus compacte se pressait au bord du chemin pour voir la caravane.

J’arrivai à la tête de l’avant-garde ; on me montra le lieu de campement : un grand espace découvert où se trouvaient trois petits villages entourés d’estacades. J’y fis dresser ma tente sous un gros arbre qui étendait ses branches dans un coin de l’emplacement. Peu de temps après, je la vis en plein soleil. Questionnés à cet égard, mes gens répondirent que le kiranngosi des Arabes l’avait fait déplacer, parce que lui-même voulait se mettre à l’ombre.

Je ne pouvais pas souffrir que l’on me traitât de la sorte, et je fis replacer ma tente à l’endroit que je lui avais assigné ; sur quoi le kiranngosi déclara qu’il n’y aurait pas de halte, à moins qu’on ne lui donnât la place qu’il voulait avoir. Je lui dis, pour en finir, qu’il pouvait aller au diable si bon lui semblait ; et il alla camper à une distance d’un mille avec ses gens, tandis que je restais avec les miens. Plus tard, les chefs de sa caravane me firent des excuses au sujet de cette impertinence.

Ces kiranngosis se donnent des airs de supériorité et imposent tous leurs caprices à leurs maîtres ; celui-ci croyait pouvoir agir de même avec moi.

Les gens du village étaient sales et grossiers, mal coiffés de touffes irrégulières, plâtrées d’argile ; mais les denrées abondaient ; et les bananes, les œufs, la volaille, la farine, le vin de palme nous furent apportés avec empressement.

L’escalade des élaïs se fait ici au moyen d’un éclat du pétiole et d’une corde fabriquée avec des lianes. L’éclat de pétiole est aplati, assoupli et mis autour de l’arbre ; la corde lui est attachée, elle passe derrière le dos du grimpeur, et l’arbre est escaladé de la même manière que le cocotier l’est fréquemment dans l’Inde.