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vue s’unir au Loualaba[1]. Mais je ne pus jamais trouver de guide ni d’interprète, et sans l’un et l’autre pas un de mes hommes ne voulait m’accompagner.

Puis j’envisageai la dépense qu’eût occasionnée l’ouverture du canal à travers la couche d’herbe, et la trouvai si lourde que je reculai devant elle : l’empêchement qu’elle eût apporté à la suite du voyage ne me sembla pas justifié par la descente du Loukouga. Dès qu’il était avéré que cette rivière sortait bien du lac, il n’aurait pas été sage de sacrifier, à la confirmation d’un fait certain, les ressources indispensables à de nouvelles découvertes et dont l’abandon eût compromis mon retour.

Quittant le Loukouga, le 5 mai, nous allâmes camper au cap Moulanngo.

Le lendemain, nous touchâmes à Kassenngé, situé sur la côte ; puis nous nous rendîmes à une entrée profonde qui découpait la rive orientale de l’île de Kivira, et nous nous préparâmes à traverser le lac. Cette traversée de retour commença le jour suivant à Matchatchési, où nous trouvâmes une grande caravane qui se rendait au Manyéma, sous la conduite de Mounyi Hassani Mrima, esclave de Saïd Ibn Habib.

Le 8 mai, nous étions à l’établissement de Djoumah Méricani, et le 9 dans l’Oudjidji. Des lettres datées de près d’un an réjouirent mon arrivée. Le paquet avait été ouvert le 12 janvier à Mpannga Sannga par Murphy, qui avait profité de l’occasion pour me dire qu’il allait bien.

Ces dépêches l’avaient échappé belle : remises dans l’Ounyanyemmbé à Ibn Sélim, celui-ci les avait confiées à une caravane qui avait été dispersée par des rougas-rougas. Attaqués à leur tour par une autre caravane, les brigands avaient perdu quelques-uns des leurs ; et mon paquet, trouvé sur l’un des morts, avait été recueilli et apporté à Kahouélé.

Tous mes hommes célébrèrent leur retour en s’enivrant. L’un d’eux alla jusqu’à s’introduire chez une femme pour lui voler sa bière. Une plainte fut déposée ; j’appelai Bombay ; il répondit qu’il était malade ; c’était vrai : il avait un affreux mal de tête

  1. Plus tard, en divers endroits, je recueillis des témoignages qui confirmaient le fait de la jonction du Loukouga avec le Loualaba. Les hommes qui me fournirent ces derniers renseignements affirmaient avoir longé eux-mêmes la rivière à une grande distance de là.