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Le jour suivant, mes observations touchant l’entrée de la rivière furent reprises. Au-dessous de la barre que j’ai mentionnée, je trouvai quatre et cinq brasses de profondeur ; il y en avait trois au bord du tapis qui avait arrêté notre bateau.

J’étais avec le chef ; je lui demandai de me faire ouvrir un passage dans l’herbe, offrant de lui donner la quantité de perles nécessaires pour le payement des ouvriers ; il refusa. Mes gens, répondit-il, me diraient : « Vous avez pris les perles de homme blanc, vous nous faites travailler pour lui, et vous ne nous remettez qu’un peu de ce qu’il vous a donné. » Prenez des hommes, continua-t-il, payez-les vous-même tous les jours ; ils sauront alors que tout ce que vous donnez est pour eux.

Nous descendions la rivière ; après un trajet d’une heure et demie, la brise ayant fraîchi et nous soufflant en face, nous nous arrêtâmes dans un îlot qui appartenait à un affluent. Ce n’était qu’un marais à l’intérieur d’un banc prolongé qui, çà et là, avait de petites ouvertures. La bouche dans laquelle nous nous trouvions n’était elle-même qu’une simple brèche de la rive, où l’eau passait en s’infiltrant dans l’herbe.

Le Loukouga nous offrait par endroits une eau profonde, puis des hauts-fonds, des bancs de sables, de grandes herbes, etc., obstacles formés par les débris qui flottent sur le Tanganyika et dérivent vers la seule issue qu’ils rencontrent.

J’en eus un bel exemple pendant les sept ou huit heures que nous passâmes sur la rivière : une quantité considérable de bois flotté arriva ; ce bois fut poussé dans l’amas végétal et disparut sans laisser de trace de son passage.

L’entrée du Loukouga est située dans la seule brèche que présente l’épaisse ceinture du lac, les montagnes de l’Ougoma se terminant tout à coup à dix ou douze milles au nord de Kassenngé ; tandis que celles qui viennent du sud, après avoir entouré la partie méridionale du Tanganyika, se dirigent vers l’ouest à partir du cap Mirâmmbé, laissant entre elles et les monts de l’Ougoma une large vallée ondulante.

Je partis, espérant toujours qu’on pourrait trancher le radeau herbeux ; je désirais tant descendre le Loukouga, explorer cette rivière qui ne pouvait pas finir dans un marais : elle était trop considérable. Le chef, d’ailleurs, m’avait assuré de nouveau que ses gens l’avaient suivie pendant plus de trente jours et l’avaient